17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 00:02

En mars 1962, il y a 50 ans, le Font de Libération Nationale, après 7 ans de guerre - une guerre qui, à l'époque, n'avait jamais voulu être reconnue comme telle par la France -, signait les accords d'Evian. La délégation du FLN résidait en Suisse. Les négociations se déroulaient sur la frontière, en terrain neutre. Ces accords d'armistice allaient mettre fin à la phase d'affrontement et préparaient le retrait des troupes françaises. L'indépendance serait officiellement proclamée en juillet.

Ce fut alors le terrible exode des "Pieds Noirs". Arrachement brutal, dépouillement total, abandon dramatique de leurs racines! L'Algérie accédait à l'indépendance, mais au prix d'une population amputée de presque un million de victimes, de campagnes désertifiées dans l'Est, d'un pays mutilé! Mais un pays heureux et fier d'avoir retrouvé sa dignité.

Tout ce passé d'un demi siècle, reste un présent concret pour ceux qui l'ont vécu et j'en suis (1). Durant le conflit, alors que l’État français couvrait l’usage de la torture, l'hebdomadaire Témoignage chrétien, fait rare dans la presse hexagonale d'alors, informait l'opinion publique de crimes, commis au nom de la France. C'était la publication, en 1958, des notes d’un appelé du contingent, Jean Muller, un ancien scout. En effet, certains membres de l’armée française employaient des pratiques illégales de tortures et procédaient à de déshonorantes exécutions sommaires (2). Ces courageuses  publications vaudront à Témoignage Chrétien - dont la devise a toujours été : "Vérité quoi qu'il en coûte" - d’être accusé de trahir la France. D'où une fréquente censure dans nombre de paroisses (3). T.C. subira logiquement des attentats fomentés par l’OAS (Organisation Armée Secrète)...

Que l'évolution politique, échappant alors à la Gauche au pouvoir, ait été récupérée par la Droite, via le Général de Gaulle, rappelé au pouvoir, est un fait historique. Que le Général ait donné ensuite à beaucoup de ceux qui avaient contribué à le remettre politiquement en selle, l'impression d'être trompés, cela est également évident. Mais, moralement, n'avait-il pas raison d'en vouloir finir avec la période coloniale? Même avec de bonnes intentions et de généreuses perspectives, la politique n'est jamais facile et, fatalement, elle blesse certains souvent plus qu'elle n'en réjouit d'autres !

Cinquante après, T.C. organise bientôt un voyage en Algérie. Des contacts seront réchauffés entre ceux qui, de part et d'autre des rivages méditerranéens, sont restés ouverts à nos différences, et aux valeurs humaines fondamentales qui, elles, ne connaissent pas de frontières. En compagnie de Paul Bouchet, ancien président d'ATD Quart Monde et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), avocat de Ben Bella pendant la guerre d'Algérie, les participants  rencontreront acteurs et témoins de la décolonisation, de la société civile, politique, culturelle et religieuse algérienne.

Trop âgé, je ne me joindrai pas physiquement à ce voyage. J'en suivrai cependant avec grand intérêt les échos sur les compte-rendu de T.C., hebdo qui alimente depuis 55 ans ma réflexion !

Jean Bisson - 17 03 2012 

1- Appelé, au titre du "service militaire obligatoire", j'ai servi durant plus de deux ans - janvier 1956 à janvier 1958 - en Algérie, dans le cadre du 1er Régiment de Tirailleurs Algériens. Puis, enseignant en coopération volontaire dans l'Algérie indépendante de septembre 1964 à juillet 1969.

2- On ne peut ignorer l'argument d'efficacité qui, aux yeux de certains militaires, justifiaient de telles pratiques. Restent  la déontologie et la conscience individuelle...

3- A Besançon, les feuilles ronéotées de TC étaient diffusées clandestinement via le Séminaire diocésain de la rue Mégevand... J'étais arrivé à Besançon, à l'Ecole Normale d'Instituteurs de la rue de la Madeleine en 1949. Et les aumôniers universitaires étaient très proches de leurs collègues du "Gran Sem" !

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