Pourquoi cette prière, proposée pour la fête de l'Assomption par le Cardinal Vingt-Trois, fait-elle réagir? Relisons-la d'abord...
PROPOSITION NATIONALE POUR UNE PRIERE DES FIDELES - EN LA FETE DE L’ASSOMPTION 2012.
Introduction : Frères et Sœurs ! En ce jour où nous célébrons l’Assomption de la Vierge Marie, sous le patronage de qui a été placée la France, présentons à Dieu, par l’intercession de Notre-Dame, nos prières confiantes pour notre pays !
1. En ces temps de crise économique, beaucoup de nos concitoyens sont victimes de restrictions diverses et voient l’avenir avec inquiétude ; prions pour celles et ceux qui ont des pouvoirs de décision dans ce domaine et demandons à Dieu qu’il nous rende plus généreux encore dans la solidarité avec nos semblables.
2. Pour celles et ceux qui on été récemment élus pour légiférer et gouverner ; que leur sens du bien commun de la société l’emporte sur les requêtes particulières et qu’ils aient la force de suivre les indications de leur conscience.
3. Pour les familles ; que leur attente légitime d’un soutien de la société ne soit pas déçue ; que leurs membres se soutiennent avec fidélité et tendresse tout au long de leur existence, particulièrement dans les moments douloureux. Que l’engagement des époux l’un envers l’autre et envers leurs enfants soient un signe de la fidélité de l’amour de Dieu.
4. Pour les enfants et les jeunes ; que tous nous aidions chacun à découvrir son propre chemin pour progresser vers le bonheur ; qu’ils cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère.
Intercecession de conclusion : Seigneur notre Dieu, nous te confions l’avenir de notre pays. Par l’intercession de Notre-Dame, accorde-nous le courage de faire les choix nécessaires à une meilleure qualité de vie pour tous et à l’épanouissement de notre jeunesse grâce à des familles fortes et fidèles. Par Jésus, le Christ, Notre Seigneur.
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Pour la majorité, je suis certain que ce fut une "belle" prière, qui n'a posé aucun problème particulier. Quatre intentions, évoquant la crise économique, les gouvernants, les familles, pour terminer par les enfants et les jeunes, il y en a eu pour tout le monde.
Pourtant, la première intention - selon le rituel Vatican II, demande de prier pour l'Eglise, le Pape et l'Evêque du lieu. Sur ce sujet, pas un mot. La crise économique a pris le pas sur l'Eglise. D'ici à y voir une "curieuse" intention... il n'y a qu'un pas à franchir et je le franchis allégrement. J'ai toujours - dans les formations liturgiques que j'ai dispensées comme dans les rédactions que j'ai souvent faites - appliqué cette règle. Quand le Cardinal Archevêque de Paris trangresse la règle, c'est ouvrir une porte et prendre des risques.
La deuxième intention avance à mots couverts, opposant le 'bien commun' aux 'requêtes particulières". Le bien commun bénéficie du consensus démocratique et de la légitimité majoritaire. Mais pour autant, les 'requêtes particulières' doivent-elles être bafouées? Qu'en sera-t-il alors du droit de l'étranger, du droit des minorités, du droit des plus faibles? N'est-ce pas là aussi une loi évangélique de s'occuper des faibles que constituent dans la Bible les femmes, les enfants et les étrangers? Et dans nos sociétés contemporaines, les marginaux, les Roms, les jeunes paumés, et toujours les "étrangers"...
La troisième intension est généralement consacrées aux misères du monde, aux malheureux. Le Cardinal y place une prière pour la famille et sa fidélité, à l'image de la fidélité divine. Belle intention, mais qui n'est pas à la bonne place!
Enfin, la dernière intention, habituellement consacrée à la communauté chrétienne locale, cible les enfants et les jeunes. Rien pour la communauté locale si ce n'est à travers ses enfants et ses jeunes.
Finalement, c'est une prière que je n'aurais jamais composée ainsi, essentiellement parce qu'elle s'affranchit des traditions de Vatican II. Chacun pourra y trouver du bon, ou du mauvais, une approbation ou un désaveu, une condamnation de tout ce qui ne serait pas perçu comme "la force de suivre les indications de leur conscience".
Mais existe-t-il une conscience commune? N'est-ce pas une utopie de le croire?
Jean Bisson - 19 08 2012