La Russie me donne l'occasion d'évoquer cet événement douloureux. Les accusées, trois très jeunes artistes (1), ont eu l'audace de chanter, dans l'une des cathédrales de la capitale, un chant à la Vierge l'implorant de débarrasser le pays de son actuel Président! Diverses questions se posent. Ce concert était-il improvisé? Certainement pas!
Dans une église, en France, un concert n'a lieu qu'avec l'autorisation du responsable ecclésial et après que le programme prévu ait été soumis et approuvé. La demande peut évidemment être refusée. Ce simple préambule fait qu'en France, ceux qui autorisent un tel spectacle deviennent co-responsables de son contenu. A charge pour eux de prouver dans le cas contraire qu'ils ont été effectivement non-informés ou abusés.
Je pense que la sensibilité politique du clergé orthodoxe russe est actuellement favorable au Président réélu qui ne ménage pas ses signes d'amitié à l'Eglise. N'était-ce donc pas prendre des risques que d'aller provoquer le chef d'état dans un fief qui lui est très majoritairement acquis?
Courageuses mais téméraires, les chanteuses ont joué. Elles avaient pour elles le coup d'éclat, leur notoriété naissante, la montée d'une opposition populaire, le climat mondial des contestations antidictatoriales... Mais n'ont-elle pas oublié trop vite qu'elles habitaient dans un pays qui soutient le Dictateur syrien El Hassad contre une grande partie de son peuple ?
Le jugement est tombé les condamnant au goulag, pour deux ans. Pour trois minutes de chant, trois minutes de contestation politique. N'est-ce pas disproportionné? L'Eglise orthodoxe n'aurait-elle pas à montrer le chemin du pardon? Le droit d'expression artistique ne fait-il par partie de la liberté d'expression?
Tous ceux qui se posent ces questions se mobiliseront sans doute: pétitions, articles de presse, manifestations de soutien aux jeunes artistes... La suite nous montrera si le crime de lèse-majesté reste, au 21° siècle, plus fort que la liberté d'expression et le droit d'exprimer son opinion politique. Il semble d'ailleurs que les Chrétiens orthodoxes russes ne soient pas unanimement derrière Poutine (2).
Ces "prophétesses d'aujourd'hui" dénoncent dans leurs spectacles les violations aux droits de l'homme, les injustices envers les femmes, la corruption des pouvoirs et l'insolent triomphe de l'argent en Russie... Leur impardonnable crime, n'est-il pas surtout cela?
Jean Bisson - 20 08 2012
1-Nadezhda Tolokonnikova, Maria Alyokhina et Yekaterina Samutsevich, trois chanteuses du groupe punk Pussy Riot, étaient déjà incarcérées depuis bientôt 6 mois, pour avoir chanté dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou une prière à la Vierge lui demandant de faire partir Poutine du pouvoir!
2- Dans les Eglises, de tous temps, la contestation a existé! Bien des Ordres religieux ou des mouvements mystiques se sont opposés à des situations politiques; François d'Assise n'a-t-il pas contesté la manière dont l'église de son temps traitait les pauvres? Et qu'on fait les Protestants sinon de dénoncer les abus de l'Eglise soutenue par le pouvoir politique...