26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 00:05

J’ai lu, dans le courriel « Le 09h15 le neuf-quinze » (reçu le mardi 22 mars), sous la plume toujours alerte et incisive de Daniel Schneidermann, l’information – qui semblerait demeurer très discrète – d’une poursuite judiciaire à l’encontre du Directeur de Canal+ (M. Bertrand Méheu). Les chansonniers et caricaturistes seraient-ils allés trop loin ? (1) Surtout en période électorale, et ayant à supporter un cuisant revers, on peut imaginer que certains VIP de la Droite soient particulièrement réactifs aux messages critiques ! 

Une affaire à suivre, car c’est là une question de liberté d’expression. Liberté fondamentale à laquelle, ne serait-ce qu’à cause de mon propre blog, j’entends que tout citoyen puisse exprimer son opinion et utiliser la satire.

S’il était avéré que l'on ait tenté de l’impliquer avec de la cocaïne, qu’il ne fasse pas de bile, Monsieur Joyandet se ferait un devoir de l’aller accueillir à sa sortie de prison !

Jean Bisson -  26 03 2010  (Demain > Taxe carbone : Oui ou Non ?)
(1) J'ignore ce qui serait reproché aux responsables des Guignols. La seule cause qui pourrait, semble-t-il justifier une telle poursuite serait une utilisation de propos racistes, ou des accusations mensongères ou des menaces graves.  L'avenir nous éclairera.

 «  Chut ! Canal+ va en correctionnelle

Considérons un pays imaginaire. Un pays développé. Admettons qu'il y existe une grande chaîne de télévision privée, diffusant un talk show où accourt ventre à terre tout le personnel politique du pays, et une émission de marionnettes, également très regardée, et fort influente. Imaginons maintenant que l'auteur de ces marionnettes soit l'objet d'une tentative de déstabilisation, ourdie par...les services de sécurité de sa propre chaîne. Son téléphone est écouté. On envisage de piéger son scooter avec de la cocaïne, pour le faire "tomber" pour trafic de drogue. On envisage de lui faire donner une sévère bastonnade. Le PDG de la chaîne est (au minimum) au courant de tous ces projets. Après une longue enquête judiciaire, ce PDG est renvoyé en correctionnelle.

Si ce pays (imaginaire) est doté d'une presse libre, on peut facilement supposer que l'affaire fera la "Une" de cette presse, plusieurs jours de suite. Le PDG en question ne pourra plus paraître en public, sans être soumis à une rafale de questions sur son implication dans le complot contre le chansonnier. Que saviez-vous ? Qu'avez-vous ordonné ? Qu'avez-vous empêché ? Des questions normales de journalistes libres. Pas forcément parce que la presse aimerait particulièrement la victime de ces manigances, ni même par vertu, et évidemment en gardant à l'esprit la présomption d'innocence du PDG, mais parce que l'information est simplement...intéressante, en raison de la notoriété et du pouvoir de ses protagonistes.

 

Vous me voyez venir. Ce pays, c'est la France. La France, où le parquet de Paris vient de requérir le renvoi en correctionnelle de M. Bertrand Méheut, PDG de Canal+, à qui sont reprochés tous les faits énoncés ci-dessus, à l'égard de l'ancien auteur des Guignols Bruno Gaccio. Il existe en France de nombreux journaux. Il existe aussi de nombreuses émissions consacrées aux médias. Elles traitent en toute liberté de toutes sortes d'informations. On y évoque en toute liberté les affaires Zemmour, Guillon, et autres. Mais cette information, l'avez-vous lue ? L'avez-vous entendue ? Une dépêche AFP, un petit article du Monde, quelques brèves ici et là. Et c'est tout.

Parfois, affleure une explication à cet inexplicable silence. Par exemple, un grand hebdomadaire, le Nouvel Obs, est dirigé par M. Denis Olivennes, ancien président de Canal+, à l'époque où y sévissaient les écouteurs de paroliers, et les piégeurs de scooter. On comprend qu'il ne pousse pas ses troupes à l'investigation. Mais ailleurs ? C'est un des nombreux mystères de la presse libre. »

Daniel Schneidermann

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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 00:01

J’ai lu cet édito du Monde dans sa publication du 16 mars. Un panorama de la situation politique. Situation inattendue par la droite au pouvoir, et qui risque de déboucher sur un refus de comprendre et de tirer les vraies conclusions de sa déroute.

Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est le désintérêt d’un citoyen sur deux incapable de concevoir l’importance de la Région dans la gestion de notre vie quotidienne. Autrefois, quand l’éducation comprenait 1 heure hebdomadaire d’instruction civique, en 3ième, on étudiait le fonctionnement des diverses représentations. C’était moins complexe qu’aujourd’hui. Raison de plus pour remettre au programme l’étude de notre fonctionnement démocratique. Le niveau régional et le niveau européen méritent d’être expliqués.  Mais à force de vouloir faire des économies sur l’éducation, voilà où nous en sommes ! C’est aussi un élément du laxisme des jeunes citoyens.

Lundi, nous verrons bien les commentaires.

Jean Bisson – 20 03 2010
 

Et maintenant ? (Edito du Monde • Mis à jour le 15.03.10 | 14h54- Article paru dans l'édition du 16.03.10

Tout se conjuguait pour faire des élections régionales un rendez-vous difficile pour le président de la République et sa majorité. En effet, les scrutins de mi-mandat sont le plus souvent défavorables au pouvoir en place. La crise économique, dont les Français ne perçoivent pas le terme, a accentué leur désabusement, leur inquiétude ou leur colère. Depuis des mois, enfin, Nicolas Sarkozy apparaît affaibli ou impuissant et son crédit dans l'opinion est au plus bas.

Dans ces conditions, l'UMP n'attendait guère de miracle de ce scrutin. C'est pourtant une véritable douche froide qu'elle a reçue, dimanche 14 mars, au soir du premier tour. Primo, les abstentionnistes sont de loin, avec 53,6 %, le premier "parti" de France, témoignant d'une profonde désaffection électorale et politique. Secundo, la droite parlementaire enregistre, avec à peine plus de 26% des voix, son plus mauvais score depuis le début de la Ve République, plus faible encore qu'au premier tour de la présidentielle de 2002.

Face à elle, l'ensemble de la gauche parlementaire (socialistes, écologistes et Front de gauche), flageolante il y a peu encore, passe la barre symbolique de 50 % des suffrages exprimés. Et, pour noircir le bilan, le Front national se redresse et retrouve une capacité de nuisance certaine, alors que le chef de l'Etat pensait l'avoir durablement marginalisé depuis 2007.

C'est donc au mieux un avertissement (de la part des électeurs de droite), au pire une sanction (de la part de ceux de l'opposition), qui a été adressé au président de la République. Et l'on voit mal comment le second tour, le 21 mars, pourrait corriger le premier, tant l'UMP manque de réserves, hormis chez les abstentionnistes.

La question est désormais de savoir quels enseignements Nicolas Sarkozy tirera de ce camouflet. La stratégie électorale qu'il a imposée à la droite est, pour l'heure, contre-productive ; mais il est bien tard pour en changer. Quant aux deux dernières années de son mandat, elles vont être tiraillées entre deux tentations : celle de réaffirmer le volontarisme politique qui avait convaincu les Français en 2007, au risque, désormais, de les exaspérer un peu plus ; ou celle de calmer le rythme et l'ampleur des réformes annoncées, au risque de paraître se déjuger et renoncer.

Mais le pire, à coup sûr, serait d'invoquer le taux d'abstention record du 14 mars pour dénier au scrutin toute signification déterminante et pour ne pas entendre le message adressé par les Français, ceux qui ont voté comme ceux qui ne l'ont pas fait.

 

 

 

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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 00:07

J'ai lu l’article « Dénis » de Daniel Schneidermann sur 09h15 le neuf-quinze. Vous pouvez vous abonnez à cette publication internet quotidienne (09h15 le neuf-quinze), fruit d’une réflexion indépendante !

Cette analyse, inquiétante pour l’avenir de le France, me rappelle l’accroche d’un édito de Jean Daniel dans l’un des derniers "Nouvel Observateur" où il écrivait en substance "Sarkozy, peut-on déjà en parler au passé ?". C'est sans doute une fin de mandat présidentiel qui sera moins gling-gling que ses premières années. 

Jean Bisson – 17 03 2010
 

"Les Français ont peur. Ils nous savent en faillite. Ils ne voient pas d'issue pour le pays et pour leurs proches, et constatent avec consternation l'inefficacité du sarkozysme". Qui parle ? Un éditorialiste ? Un opposant ? Non. C'est "un proche du président", anonyme, cité dans un article du Monde, signé par Arnaud Leparmentier. La pause des réformes, annoncée par Sarkozy  pour la fin 2011 dans son interview au Figaro Magazine ? Elle "déconcerte ses partisans" poursuit le même article, qui cite aussi un ministre : "l'action est le seul moyen de compenser la personnalité contestée du président". Cette pause risque cependant d''être radicale, et brutale, note Leparmentier, qui remarque que Sarkozy, dans cette interview, n'a pas même évoqué la réforme de la Justice et la suppression du juge d'instruction.

Aussi révélatrices soient-elles du désarroi intellectuel des sarkozystes, l'essentiel n'est pas ce que disent ces citations anonymes. L'essentiel, c'est que des ministres, des proches, soufflent des aveux aussi désabusés à un journaliste du Monde, sous couvert d'anonymat bien entendu, mais en courant le risque d'être identifiés -les choses vont si vite à l'époque de Twitter. Ces confidences, et le seul fait qu'elles soient tenues, disent à elles seules que la dynamique est cassée, et la machine ensablée. Etrangement pourtant, Le Monde choisit de ne pas titrer sur cet ensablement, mais titre à la Une : "M. Sarkozy veut garder le cap, malgré le sévère avertissement du 1er tour". Non seulement le titre contredit l'article, mais c'est un titre qui fait "comme si". "Comme si" les leviers répondaient encore, comme si ce que "veut Sarkozy" avait encore prise sur la réalité. Jouons au titreur de comptoir : "les réformes compromises par le 1er tour de l'élection régionale", eût été un titre plus conforme à l'article, et sans doute plus fidèle à la réalité.

Loin de moi l'idée d'accuser Le Monde de jusqu'auboutisme sarkozyste. Chez les politiques, le déni d'une réalité est souvent une tactique délibérée. S'agissant de la presse, il obéit à des mécanismes plus complexes. Ce que montre ce décalage, c'est  la puissance des  automatismes, et notre aptitude stupéfiante, devant un brutal renversement de la donne, à faire "comme si". Comme si la donne antérieure était encore valable, alors que tout nous montre le contraire. Notre éternelle aptitude à ne pas voir, ne pas entendre, et donc ne pas dire. Dans la philosophie orientale, ce triple renoncement est une voie vers la sagesse. Il n'est pas certain que cela s'applique aux médias.

Daniel Schneidermann
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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 00:05

Benoît XVI s’écarte-t-il de plus en plus des orientations du Concile Vatican II ; le pilote du vaisseau Eglise a-t-il perdu le nord ? C’est ce que pense le prestigieux théologien suisse Hans Künz, du haut de ses 82 ans. Ce qu’il a écrit, publié récemment, mérite que l’on y réfléchisse. Même si certaines critiques sont sensiblement exacerbées par sa mise «en quarantaine» par Rome. C’est le prix de la liberté de ce théologien qui dérange un ordre que l’on voudrait établi !

Jean Bisson - 20 02 2010

Le texte ci-dessous (les partie soulignées l’on été par moi), a paru le 16/02/2010, signé par Jean Mercier sous le titre : Hans Küng : "Le pape va contre Vatican II"

Hans Küng © Schweizer Fernsehen

Il a une opinion tranchée sur tout. Sur les papes Benoît XVI, Jean Paul II, Pie XII. Mais aussi sur la liturgie, le célibat des prêtres, les scandales sexuels dans l'Eglise. Le théologien Hans Küng, né en 1928 et célèbre opposant à Jean Paul II et au cardinal Joseph Ratzinger devenu Benoît XVI, vient de faire paraître le deuxième tome de ses mémoires aux éditions du Cerf (1968-1980, Une vérité contestée). Nous l'avons rencontré à cette occasion et récolté quelques phrases choc.

Déçu par Benoît XVI

"J'ai espéré que Ratzinger se montre différent comme pape de ce qu'il fut comme patron de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Mais cela n'a pas été ainsi. Ses nominations à la Curie sont terribles. Comme son secrétaire d'Etat, il a pris un homme, Tarcisio Bertone, qui n'était pas du tout préparé à cette tâche. 

Comme pape, il a raté tous les tournants.  Il n'a pas répondu aux attentes des orthodoxes, en leur proposant, dans le cadre du dialogue, de ne pas avoir à accepter les Conciles auxquels ils n'ont pas participé depuis le XIe siècle. Il s'est limité avec eux à des embrassades, à des solennités. Avec les musulmans, on sait ce que cela a donné avec la Déclaration de Ratisbonne. En ce qui concerne les Juifs, il y a eu l'affaire de la prière du vendredi saint, et le scandale Williamson. Quant aux Eglises protestantes, elles n'ont pas digéré qu'on leur dise qu'elles ne sont pas des Eglises. 
Le pape dit que les autres religions sont déficientes, et que l'Eglise catholique est parfaite, mais quand on voit les scandales qui y éclatent ! En Allemagne, on est désormais gêné qu'il soit allemand. 
Plus fondamentalement, Ratzinger et moi sommes différents dans notre approche de Jésus. Moi, je suis attaché au Jésus de l'Histoire. Son Jésus à lui est dogmatique, comme il a été défini lors du Concile de Nicée en 325."

Le pape va contre Vatican II

"Pour le théologien jésuite Francisco Suares (1548-1617), il y a deux possibilités d'être schismatique. Soit on se sépare du pape. Soit le pape se sépare de l'Eglise. 
Benoît XVI devrait être très prudent dans sa vision des choses, car il va contre le Concile. C'est un choc pour beaucoup de gens. Il a restauré la messe médiévale tridentine. Il a repris les ornements de Léon X (1513-1522), le pape qui avait raté l'occasion de sauver les choses avec Martin Luther. Il a nommé l'an passé un nouveau patron pour la Congrégation du Culte Divin, Antonio Cañizares, qui se promène avec la « cappa magna », c'est-à-dire une traîne. On se croirait au sacre de Napoléon. Même la reine d'Angleterre ne ferait plus une chose pareille. Le pape se rend complice d'une corruption du sacré, sous la forme d'une aristocratie cléricale qui cache ses agissements sous les ornements baroques. 

Au sujet du Concile, Benoît XVI défend son herméneutique de la continuité contre une herméneutique de la rupture. Mais c'est un mensonge de dire que nous avons considéré Vatican II comme une rupture. C'était un tournant, une réforme. Cette « herméneutique de la continuité » est la seule chose que le pape a trouvé pour interpréter le Concile selon sa vision d'un retour au passé. Mais on ne l'acceptera pas ! On ne peut pas aller contre le Concile."
 
Le célibat sacerdotal

"La loi du célibat obligatoire est explicitement une contre-affirmation de ce que dit le Nouveau Testament sur la liberté. Et donc, elle ne peut être considérée comme catholique. C'est le produit d'un « monasticisme » médiéval – à ne pas confondre avec le vrai monachisme. 
Cette loi médiévale non seulement s'oppose à l'Evangile mais aussi aux droits de l'homme. Elle s'enracine dans le paganisme. Elle reste un énorme problème en Amérique Latine et en Afrique où le célibat est observé de manière … disons 'élégante' ".

Au sujet des prêtres pédophiles

"Il y a aujourd'hui ce scandale des prêtres pédophiles chez les jésuites en Allemagne. Ce n'est qu'un nouvel épisode d'une crise du catholicisme occidental qui a un problème avec la sexualité. J'ai parlé récemment avec un ambassadeur d'Irlande qui m'a dit que l'autorité de l'Eglise s'est totalement écroulée là-bas à cause de ces scandales. Mais je n'ai jamais voulu croire que c'était seulement une affaire irlandaise ou américaine. 

Le problème est universel. Il est lié au célibat obligatoire. Je sais que le célibat n'implique pas nécessairement qu'il y ait des abus sexuels, mais ce n'est pas un hasard s'il y a eu des scandales en nombre extraordinaire dans l'Eglise catholique en particulier. Il ne suffit pas de condamner ces prêtres car ils sont victimes d'un système. La Curie romaine a aidé à ce que les choses aillent dans un sens funeste. Toutes les affaires ont été centralisées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, sous le sceau du secret absolu. Tout est arrivé sur la table du cardinal Ratzinger. Il a tout vu, il a eu connaissance de tous les dossiers."

Deux poids, deux mesures

"Avec l'affaire Williamson, je veux bien croire que le pape ne savait pas qu'il était négationniste, mais il savait nécessairement que tous ces gens-là étaient antisémites et tous opposés à Vatican II. Comment peut-on accepter dans l'Eglise ces évêques schismatiques et avoir été aussi dur avec des théologiens de la libération qui n'étaient même pas marxistes ? On a été sans pitié avec eux. Alors qu'on accepte des gens qui nient le Concile !"
Pie XII n'est pas un saint
"Quand j'étais au Collège Germanique à Rome, pendant mes études, le Père Leibe, le secrétaire privé de Pie XII, était venu nous voir. Il nous avait raconté la journée-type du pape. On lui avait ensuite demandé : est-ce que le Saint Père est un saint ? Et il avait répondu : « Non, ce n'est pas un saint, c'est un grand homme de l'Eglise ». Pour Pie XII, l'institution était plus importante que tous les Juifs du monde entier. Pour lui la menace communiste pesait plus lourd que la menace nazie. 

Et puis il a condamné les prêtres ouvriers. Je me souviens de ce que m'a confié le cardinal Gerlier à ce sujet. Avec d'autres cardinaux, il était allé à Rome pour le convaincre de ne pas faire de condamnation. Gerlier m'a raconté que Pie XII leur avait dit : « Ma conscience de pape m'oblige à agir dans ce sens ». Gerlier n'avait pas su quoi répondre. A mon avis, il aurait dû lui rétorquer que sa conscience d'évêque l'obligeait, lui, à protester contre la décision du pape. Mais les évêques français se sont écrasés. 
 
Pour autant, il ne faut pas diaboliser Pie XII. Il a connu un choc lorsque les commandos rouges ont mis à sac la nonciature de Berlin en 1918. Un peu comme Ratzinger fut traumatisé par les étudiants révoltés de Tübingen en 1968. Sa peur du communisme était devenue existentielle. On peut le comprendre mais on ne peut pas en faire un saint."

Sur Jean Paul II

"Wojtyla n'était pas un saint car il n'a jamais voulu parler avec des gens qui pensaient différemment de lui. Il a beaucoup parlé « sur » le dialogue mais ne l'a pas pratiqué. Son moralisme sexuel n'a servi à rien et la jeune génération s'en moque totalement."

L'avenir de l'Eglise catholique
 
"La situation actuelle me conforte malheureusement dans ma vision critique. Je suis un catholique loyal, je suis dans l'opposition à ce présent système. D'ailleurs, comme moi, beaucoup de saints n'ont pas aimé la Curie. 
Je ne suis pas un moderniste, je critique tout comme Benoît XVI une forme de scientisme qui critique la transcendance.
Mais si, comme Benoît XVI, on se situe dans l'extrême, celui d'un rigorisme moral médiéval, alors on perd toute crédibilité. 
Etre catholique, ce n'est pas lié au paradigme de l'absolutisme romain. On peut être catholique selon le modèle de la Réforme. Je suis catholique selon le paradigme oecuménique et évangélique. Car l'idéal est d'être catholique avec l'esprit évangélique et non romain. Car, pour définir ce qui est catholique, le critère est la conformité à l'Evangile.
L'Eglise peut survivre car elle n'est pas une idéologie comme le Communisme. La substance restera, pas la hiérarchie. Il reste heureusement des communautés qui fonctionnent bien, où le curé est bon. L'identification au catholicisme ne se fera plus avec le pape mais avec le curé local"

 

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4 février 2010 4 04 /02 /février /2010 00:05
Dan, une amie du midi, me communique l’intervention au Sénat de Djemila Benhabib, algérienne, auteur de  « Ma vie à contre Coran ».  C’était le 13 novembre 2009 à l’occasion de la journée "Femmes debout", organisée par Femmes Solidaires et la Ligue du Droit International des Femmes.
Ce livre, je l’ai présenté dans ma brève du 29 décembre 2009; vous pouvez la consulter soit en passant par le calendrier, soit par la rubrique « J’ai lu ».)
Pour ce que je pense d’une loi spécifique sur le voile, voir ma brève sur les « voiles » du 25 janvier dernier. Ce n’est pas le port du voile intégral (la burqa)  qu’il faut interdire, c’est son  « obligation » au nom d’une « norme religieuse ». C’est au non de la laïcité et de la liberté individuelle, qu’il faut agir.
Jean Bisson  04 02 2010 

Texte de Djemila Benhabib, lu devant les Sénateurs palais du Luxembourg  le 13 novembre 2009

Mesdames les Sénatrices, Mesdames les Présidentes, Mesdames et Messieurs les dignitaires,

Chers Amis,

Merci mille fois de ce grand honneur que vous me faites, aujourd'hui, de me consacrer parmi les Femmes debout et de permettre à ma voix, celle d'une femme de culture musulmane féministe et laïque , de résonner dans cette prestigieuse institution de la République.

Merci à vous, mes amies de Femmes solidaires et de la Ligue du droit international des femmes pour votre travail acharné, permanent et indispensable que ce soit dans les quartiers, auprès des femmes victimes de violences et discriminations, des sans papiers ou encore au sein des politiques et des instances onusiennes.
C'est dire que c'est ici, localement que prend racine le travail pour les droits des femmes pour se répercuter à l'échelle internationale. C'est dire aussi que la Marche des femmes pour la liberté et l'égalité est une et indivisible. Lorsqu'une femme souffre dans un quelconque endroit de la planète, c'est notre affaire à toutes et à tous. Merci de nous faire sentir de mille façons que nous sommes les maillons d'une même chaîne.

Voilà encore quelques années, je n'aurais jamais imaginé que ma vie de femme, que ma vie de militante serait si intimement liée au féminisme et à la laïcité.
  Je vous surprendrai peut-être en vous avouant que je ne suis pas devenue féministe en tournant les pages du /Deuxième Sexe/, ni en me plongeant dans ce magnifique roman d'Aragon /Les Cloches de Bâle/, où il était question entre autres de Clara Zetkin et de Rosa Luxembourg, deux figures de proue du féminisme et de la paix dans le monde.

Je ne suis pas devenue laïque en m'abreuvant de Spinoza, de Ibn Al-Arabi, de Descartes, de Ibn Khaldoun, ou de Voltaire, mon maître. Absolument pas !

J'aurais pu tourner mon regard ailleurs pour me perdre dans cette enfance si heureuse que j'ai eue dans une famille généreuse, cultivée, ouverte sur le monde et sur les autres, profondément engagée pour la démocratie et la justice sociale.

J'aurais pu m'égarer dans la beauté de cette ville qu'est Oran où il faisait si bon vivre au bord de la mer.  Cette ville qui a propulsé la carrière littéraire d'Albert Camus, avec son célèbre roman /La    peste/, jusqu'au Nobel de littérature.

J'aurais pu ne rien voir, ne rien entendre des brimades, du mépris, des humiliations et des violences qu'on déversait sur les femmes.

J'ai choisi de voir et d'écouter d'abord avec mes yeux et mes oreilles d'enfant. Plus tard, j'ai choisi de dire les aspirations de toutes ces femmes qui ont marqué ma vie pour que plus jamais, plus aucune  femme dans le monde, n'ait honte d'être femme.

Pour vous dire vrai, à l'enfance et surtout à l'adolescence, je n'ai jamais rêvé de mariage, de prince charmant, de robe longue, de grande maison, d'enfants et de famille. Les quelques mariages auxquels j'avais assisté, en Algérie, me faisaient sentir que la femme était un objet bien plus qu'un sujet. Inutile de vous préciser que ma perspective était ultraminoritaire, car les femmes sont formatées à devenir des épouses puis des mères dès l'enfance. Je devais avoir, quoi, cinq, six, peut-être sept ans tout au plus, lorsqu'on me somma de rejoindre ma grand-mère dans la cuisine, car ma place naturelle était à mi-distance entre les fourneaux et la buanderie, de façon à pouvoir faire éclater mes talents de cuisinière et de ménagère le moment venu.

En 1984, l 'Algérie adopte un code de la famille inspiré de la charia islamique. J'ai 12 ans à cette époque.
Brièvement, ce code exige de l'épouse d'obéir à son mari et à ses beaux-parents, permet la répudiation, la polygamie, destitue la femme de son autorité parentale, permet à l'époux de corriger sa femme et en matière d'héritage comme de témoignage, l'inégalité est érigée en système puisque la voix de deux femmes équivaut à celle d'un homme tout comme les parts d'héritage.

Question : L'Algérie est-elle devenue musulmane en 1984 ?
Réponse : Je vous la donnerai pendant le débat tout à l'heure si vous le souhaitez.

Je pense à *Neda*, cette jeune Iranienne assassinée à l'âge de 26 ans. Nous avons tous vu cette image de Neda gisant sur le sol, le sang dégoulinant de sa bouche.
Je pense à *Nojoud Ali*, cette petite Yéménite de 10 ans, qui a été mariée de force à un homme qui a trois fois son âge et qui s'est battue pour obtenir le droit de divorcer. et qui l'a obtenu.
Je pense à*Loubna Al-Hussein* qui a fait trembler le gouvernement de Khartoum l'été dernier à cause de sa tenue vestimentaire..

La pire condition féminine dans le globe, c'est celle que vivent les femmes dans les pays musulmans. C'est un fait et nous devons le reconnaître. C'est cela notre première solidarité à l'égard de toutes celles qui défient les pires régimes tyranniques au monde.

Qui oserait dire le contraire ? Qui oserait prétendre l'inverse ?
Les islamistes et leurs complices ? Certainement, mais pas seulement.

Il y a aussi ce courant de pensée relativiste qui prétend qu'au nom des cultures et des traditions nous devons accepter la régression, qui confine l'autre dans un statut de victime perpétuelle et nous culpabilise pour nos choix de société en nous traitant de racistes et d'Islamophobes lorsque nous défendons l'égalité des sexes et la laïcité.

C'est cette même gauche qui ouvre les bras à Tarik Ramadan pour se pavaner de ville en ville, de plateau de TV en plateau de TV et cracher sur les valeurs de la République.

Sachez qu'il n'y a rien dans ma culture qui me prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème ostentatoire de différence.

Rien qui me prédétermine à accepter le triomphe de l'idiot, du sot et du lâche, surtout si on érige le médiocre en juge.
Rien qui prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair en suffoque.
Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet ou l'aiguillon.
Rien qui me voue à répudier la beauté et le plaisir.
Rien qui me prédispose à recevoir la froideur de la lame rouillée sur ma gorge.

Et si c'était le cas, je renierais sans remords ni regret le ventre de ma mère, la caresse de mon père et le soleil qui m'a vu grandir.
L'islamisme politique n'est pas l'expression d'une spécificité culturelle, comme on prétend ça et là.

C'est une affaire politique, une menace collective qui s'attaque au fondement même de la démocratie en faisant la promotion d'une idéologie violente, sexiste, misogyne, raciste et homophobe.

Nous avons vu de quelle façon les mouvements islamistes, avec la complicité, la lâcheté et le soutien de certains courants de gauche cautionnent la régression profonde qui s'est installée au coeur même de nos villes.

Au Canada, nous avons tout de même failli avoir les tribunaux islamiques.
En Grande-Bretagne c'est déjà la norme dans plusieurs communautés.
D'un bout à l'autre de la planète, le port du voile islamique se répand et se banalise, il devient même une alternative acceptable aux yeux de certains car c'est tout de même mieux que la burqa!

Que dire de la démission des démocraties occidentales sur des enjeux primordiaux à la base du vivre ensemble et de la citoyenneté tels que la défense de l'école publique, des services publics et de la neutralité de l'État ?
Que dire des reculs en matière d'accessibilité à l'avortement ici même en France ?
Tout ça pour dire qu'il est toujours possible de faire avancer les sociétés grâce à notre courage, notre détermination et à notre audace.

Je ne vous dis pas que ce sont là des choix faciles. Loin de là. Les chemins de la liberté sont toujours des chemins escarpés. Ce sont les seuls chemins de l'émancipation humaine, je n'en connais pas d'autres.

Cette merveilleuse page d'histoire, de NOTRE histoire, nous enseigne que subir n'est pas se soumettre.

Car par-delà les injustices et les humiliations, il y a aussi les résistances. Résister, c'est se donner le droit de choisir sa destinée. C'est cela pour moi le féminisme. Une destinée non pas individuelle, mais collective pour la dignité de TOUTES les femmes. C'est ainsi que j'ai donné un sens à ma vie en liant mon destin de femme à tous ceux qui rêvent d'égalité et de laïcité comme fondement même de la démocratie.

L'histoire regorge d'exemples de religions qui débordent de la sphère privée pour envahir la sphère publique et devenir la loi.

Dans ce contexte, les femmes sont les premières perdantes. Pas seulement. La vie, dans ses multiples dimensions, devient soudainement sclérosée lorsque la loi de Dieu se mêle à la loi des hommes pour organiser les moindres faits et gestes de tous. Il n'y a plus de place pour les avancées scientifiques, la littérature, le théâtre, la musique, la danse, la peinture, le cinéma, bref la vie tout simplement. Seuls la régression et les interdits se multiplient. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai une aversion profonde à l'égard des intégrismes quels qu'ils soient, car je suis une amoureuse de la vie.

Rappelez-vous une chose : lorsque la religion régit la vie de la cité, nous ne sommes plus dans l'espace du possible, nous ne sommes plus dans le référentiel des doutes, nous ne sommes plus dans le repère de la Raison et de la rationalité si chères aux Lumières.  Séparer l'espace public de l'espace privé en réaffirmant la neutralité de l'État me semble indispensable, car seule la laïcité permet de se doter d'un espace commun, appelons-le un référentiel citoyen, loin de toutes croyances et de toutes les incroyances, pour prendre en main la destinée de la cité.

Avant de conclure, permettez-moi de partager avec vous une lettre destinée à l'un de vos élus.

J'ai longuement hésité avant de vous écrire. Peut-être, par peur d'être perçue comme celle venue d'ailleurs qui fait indélicatement irruption dans les « affaires françaises ».

Au diable les convenances, je n'ai jamais été douée pour la bienséance surtout lorsqu'elle est au service des plus forts, des plus puissants et des plus arrogants. Puis, s'il avait fallu que je vive en fonction du regard des autres, je n'aurais rien fait de ma vie ou si peu. Lorsqu'il s'agit des droits des femmes, nulle convenance ne doit primer sur l'essentiel.

L'essentiel étant : la liberté, l'égalité et l'émancipation des femmes. J'entends encore des copines françaises me dirent avec insistance : parle-lui, dis-lui, écris-lui. Étrangement, leurs propos me rappellent le titre de ce magnifique film d'Almodovar /Parle avec elle/ où dès les premiers instants, le rideau se lève furtivement, pendant quelques secondes, sur un spectacle de danse, mettant en scène le corps d'une femme, celui de Pina Bausch. Elle qui exprimait si bien dans ses chorégraphis, crûment, la violence exercée à l'encontre des femmes.

Monsieur Gérin, c'est à vous que je m'adresse, je voudrais vous parler, vous dire la peur que j'ai connue le 25 mars 1994 alors que j'habitais à Oran, en Algérie et que le Groupe islamique armé (GIA) avait ordonné aux femmes de mon pays le port du voile islamique. Ce jour-là, j'ai marché la tête nue ainsi que des millions d'autres Algériennes. Nous avons défié la mort. Nous avons joué à cache-cache avec les sanguinaires du GIA et le souvenir de Katia Bengana, une jeune lycéenne âgée de 17 ans assassinée le 28 février 1994 à la sortie de son lycée, planait sur nos têtes nues.

Il y a des événements fondateurs dans une vie qui donnent une direction particulière au destin de tout un chacun. Celui-là, en est un pour moi.

Depuis ce jour-là, j'ai une aversion profonde pour tout ce qui est hidjab, voile, burqa, niqab, tchador, jilbab, khimar et compagnie.

Or, aujourd'hui vous êtes à la tête d'une commission parlementaire chargée de se pencher sur le port du voile intégral en France.

En mars dernier, je publiais au Québec, un livre intitulé /Ma vie à contre-Coran/ : une femme témoigne sur les islamistes. Dès les premières phrases, je donnais le ton de ce qu'est devenue ma vie en termes d'engagements politiques en écrivant ceci :

« J'ai vécu les prémisses d'une dictature islamiste. C'était au début des années 1990, je n'avais pas encore 18 ans. J'étais coupable d'être femme, féministe et laïque. »

Je dois vous avouer que je ne suis pas féministe et laïque par vocation, je le suis par nécessité, par la force des choses, par ces souffrances qui imprègnent mon corps car je ne peux me résoudre à voir l'islamisme politique gagner du terrain ici même et partout dans le monde.

Je suis devenue féministe et laïque à force de voir autour de moi des femmes souffrir en silence derrière des portes closes pour cacher leur sexe et leur douleur, pour étouffer leurs désirs et taire leurs rêves.

Il fut un temps où on s'interrogeait en France sur le port du voile islamique à l'école. Aujourd'hui, il est question de voile intégral. Au lieu d'élargir la portée de la loi de 2004 aux établissements universitaires, nous débattons sur la possibilité de laisser déambuler dans nos rues des cercueils. Est-ce normal ?

Pour ce qui est de la laïcité, j'ai compris sa nécessité lorsque, au tout début des années 1990, le Front islamique du salut (FIS) a mis à genoux mon pays l'Algérie par le feu et par le sang en assassinant des milliers d'Algériens. Aujourd'hui, on est forcé de constater que les choses n'ont pas tellement changé.

Trop de femmes dans le monde se font encore humilier, battre, violenter, répudier, assassiner, brûler, fouetter et lapider. Au nom de quoi ? De la religion, de l'islam en l'occurrence et de son instrumentalisation.

Pour refuser un mariage arrangé, le port du voile islamique ou encore pour avoir demandé le divorce, porté un pantalon, conduit une voiture et même avoir franchi le seuil de la porte sans la permission du mâle, des femmes, tant de femmes subissent la barbarie dans leur chair. Je pense en particulier à nos soeurs iraniennes qui ont défilé dans les rues de Téhéran pour faire trembler l'un des pires dictateurs au monde : Ahmadinejad!

Demain, peut-être c'est la polygamie qui sera à l'ordre du jour.

Ne riez pas. Cela s'est produit au Canada et il a fallu que les cours (de justice) s'en mêlent. Car après tout la culture à bon dos lorsqu'il s'agit d'opprimer les femmes. Ironie du sort, j'ai constaté dans plusieurs quartiers que les jupes se rallongent et disparaissent peu à peu. La palette des couleurs se réduit. Il est devenu banal de camoufler son corps derrière un voile et porter une jupe, un acte de résistance. C'est tout de même une banlieue française qui est le théâtre du film /La Journée de la jupe./ Alors que dans les rues de Téhéran et de Khartoum, les femmes se découvrent de plus en plus, au péril de leur vie, dans les territoires perdus de la République française, le voile est devenu la norme.

Que se passe-t-il ? La France est-elle devenue malade ?

Le voile islamique est souvent présenté comme faisant partie de « l'identité collective musulmane ».

Or, il n'en est rien. Il est l'emblème de l'intégrisme musulman partout dans le monde. S'il a une connotation particulière, elle est plutôt politique surtout avec l'avènement de la révolution islamique en Iran en 1979. Que l'on ne s'y trompe pas, le voile islamique cache la peur des femmes, de leur corps, de leur liberté et de leur sexualité. Pire encore, la perversion est poussée à son paroxysme en voilant des enfants de moins de cinq ans. Il y a quelques temps, j'essayais de me rappeler à quel moment précisément, en Algérie, j'ai vu apparaître ce voile dans les salles de classe. Pendant mon enfance et jusqu'à mon entrée au lycée, c'est-à-dire en 1987, le port du voile islamique était marginal autour de moi. À l'école primaire, personne ne portait le hidjab, ni parmi les enseignants, ni surtout parmi les élèves.

Voilà 12 ans que j'habite au Québec dont la devise inscrite sur les plaques d'immatriculation des voitures est « Je me souviens ». A propos de mémoire, de quoi la France devrait-elle se souvenir ? Quelle est porteuse des Lumières. Que des millions de femmes se nourrissent des écrits de Simone de Beauvoir dont le nom est indissociable de celui de Djamila Boupacha. C'est peu dire.

Il ne fait aucun doute pour moi que la France est un grand pays et ceci vous confère des responsabilités et des devoirs envers nous tous, les petits. C'est d'ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, tous les regards sont tournés vers votre commission et que nous attendons de vous que vous fassiez preuve de courage et de responsabilité en interdisant le port de la burqa.

Pour notre part au Québec, on se souvient qu'en 1961, pour la première fois dans l'histoire, une femme, une avocate de surcroît, est élue à l'Assemblée législative lors d'une élection partielle. Son nom est Claire Kirkland et elle deviendra ministre.

En invoquant un vieux règlement parlementaire qui exigeait des femmes le port du chapeau pour se présenter à l'Assemblée législative, on la force à se couvrir la tête pendant les sessions. Elle refuse. C'est le scandale. Un journal titre : « Une femme nu-tête à l'Assemblée législative ! » Elle résiste et obtient gain de cause.

Il faut comprendre par là que nos droits sont des acquis fragiles à défendre avec acharnement et qu'ils sont le résultat de luttes collectives pour lesquelles se sont engagés des millions de femmes et d'hommes épris de liberté et de justice.

J'ose espérer, Monsieur Gérin, que la commission que vous présidez tiendra compte de tous ces sacrifices et de toutes ces aspirations citoyennes à travers le monde et les siècles.


A vous chers amis, s'il y a une chose, une seule, que je souhaiterais que vous reteniez de ces quelques mots, c'est la suivante :

« entre une certaine gauche démissionnaire, le racisme de l'extrême droite et le laisser-faire et la complicité des gouvernements, nous avons la possibilité de changer les choses, plus encore nous avons la responsabilité historique de faire avancer les droits des femmes. Nous sommes, en quelque sorte, responsables de notre avenir et de celui de nos enfants. Car il prendra la direction que nous lui donnerons.
Nous, les citoyens. Nous, les peuples du monde. Par nos gestes, par nos actions et par notre mobilisation.

Toutes les énergies citoyennes sont nécessaires d'un pays à l'autre au-delà des frontières.

L'avenir nous appartient.

 La femme est l'avenir de l'homme disait Aragon. S'agissant d'homme, je veux en saluer un, présent aujourd'hui, c'est mon père à qui je dois tout. (1)

Et je finirai par une citation de Simone de Beauvoir :

« On a le droit de crie,  mais il faut que ce cri soit écouté, il faut que cela tienne debout, il faut que cela résonne chez les autres. »

J'ose espérer que mon cri  aura un écho parmi vous.                                                 
*Djemila Benhabib*

(1) Les parents de Djémila sont Universitaires et vivent en région parisienne.

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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 00:04
Je reprends un compte-rendu de la visite du Pape à la communauté juive de Rome, texte publié par l’AGENCE d’information ZENITH. Plusieurs mises au point sont faites sur des critiques faites au Vatican. 
Jean Bisson 21 01 2010

ROME, Vendredi 17 janvier 2010 (ZENIT.org) - La visite de Benoît XVI à la communauté juive de Rome a comporté sept gestes significatifs marquant notamment la commémoration de la déportation de 1943 et de l'attentat de 1982, la visite de Jean-Paul II en 1986, avec une rencontre émouvante avec le rabbin Toaff, l'histoire des juifs et des papes : un pèlerinage des douleurs et des joies ouvert à l'espérance.

Le pape vient à pied

Le premier des gestes qui ont marqué la visite de Benoît XVI, on note son arrivée au Portique d'Ottavia, dans l'ancien quartier du Ghetto, et sa marche à pied jusqu'à la synagogue.

Benoît XVI était guidé par Riccardo Pacifici, président de la communauté juive de Rome, et accompagné de Renzo Gattegna, président de l'Union des communautés juives italiennes (UCEI).

En chemin, le pape a posé trois autres gestes principaux. Il a tout d'abord rendu hommage aux juifs de Rome déportés après la rafle du 16 octobre 1943, devant la plaque qui rappelle cette tragédie. Il a déposé une gerbe de roses rouges et s'est recueilli.

La rafle de 1943 et la Shoah

La rafle a été ordonnée par le commandant des SS dans la Rome occupée, Herbert Kappler, à la demande de Berlin : 1021 juifs romains furent déportés, 17 d'entre eux revinrent des camps d'extermination, dont une seule femme.

Dans son discours, le pape a évoqué la Shoah comme un « drame singulier et bouleversant » qui « représente d'une certaine façon le sommet d'un chemin de haine qui naît lorsque l'homme oublie son Créateur et se met lui-même au centre de l'univers ».

Il a cité ses paroles lors de la visite à Auschwitz, du 28 mai 2006 « profondément imprimée dans ma mémoire », a-t-il souligné.

L'accolade avec le rabbin Toaff

Une rencontre non prévue a été particulièrement émouvante : celle, au pied de son immeuble, du grand rabbin émérite Elio Toaff, qui avait accueilli Jean-Paul II à la grande synagogue, en 1986. Puis le rabbin Toaff, chaleureux, a souligné qu'il aurait 95 ans en avril et le pape lui a présenté ses vœux.

Le pape a ensuite rendu hommage - une gerbe blanche - à la mémoire d'un petit enfant juif de deux ans mort pendant l'attaque terroriste de 1982 contre la synagogue de Rome, une attaque alors sévèrement condamnée par Jean-Paul II le lendemain, 10 octobre, après l'angélus.

Dans son discours, le pape a parlé d'un « chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d'amitié », inauguré par Vatican II.

Sous le signe des enfants

Le pape a rencontré la maman, le frère aîné alors âgé de quatre ans, blessé, et le papa du jeune Stefano Gay Taché, lui aussi blessé. Il a salué personnellement d'autres survivants, restés parfois longtemps entre la vie et la mort. L'attentat a eu lieu à la sortie de l'office de Shemini Atzeret (le 8ème jour, conclusif, de la fête des Tentes, Soukkot) : un groupe de palestiniens a tiré sur la foule, faisant quelque quarante blessés.

Le pape Benoît XVI a ensuite été accueilli sur le seuil de la synagogue par le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni.

Avant les quatre discours, de Pacifici, Gattegna, Di Segni et de Benoît XVI, Riccardo Pacifici a invité l'assemblée à observer une minute de silence en faveur des victimes de Haïti et appelé à la générosité pour les sinistrés.

Les archives, la hâte

Le président Pacifici a salué les personnalités et groupes représentés, notamment un groupe de musulmans italiens. Il rappelé avec émotion que son grand père, rabbin à Milan, a été déporté, avec son épouse, Wanda, tandis que son père, Emmanuel, était mis à l'abri chez les sœurs de Santa-Marta de Florence, saluant SRVittoria, une sœur de cette communauté présente dans la synagogue. Il est revenu sur les silences présumés de Pie XII et sur l'ouverture des archives : le Vatican a pour sa part indiqué à plusieurs reprises qu'il mettait les bouchées doubles pour ordonner les documents et les cataloguer de façon à ce qu'il soient consultables au plus vite, souhaitant que les autres archives internationales de l'époque soient également ouvertes pour recouper les informations. M. Pacifici a fait allusion au patrimoine « culturel » juif conservé dans les archives du Vatican. Il également nommé des disparus ainsi que le soldat franco-israélien Guilad Shalit, prisonnier dans la Bande de Gaza et dont le pape avait rencontré les parents en Israël. Par ailleurs, il a exprimé sa « préoccupation » face au « fanatisme religieux » soutenu par des « Etats souverains ».

Sur Pie XII et les archives le pape n'a rien ajouté sinon que « le Siège apostolique » aussi a pris part au sauvetage de juifs « souvent de façon cachée et discrète ».

                                    Défendre les droits humains

Dans son discours, Renzo Gattegna a salué le pape au nom des 21 communautés juives d'Italie, dont il préside l'union (UCEI). Il a évoqué les papes Jean XXIII et Jean-Paul II, notamment la demande de pardon de l'An 2000. Il a indiqué une voie pour la collaboration entre juifs et catholiques : la défense des droits humains fondamentaux dans le monde. Il a dit sa gratitude à Dieu pour la « sagesse » de la génération des Elio Toaff et Jean-Paul II. Plus encore, il souhaite que la collaboration se fasse entre juifs, chrétiens et musulmans, qui reconnaissent le « Dieu unique » et ceci pour qu'advienne dans le monde « une ère de paix ».

                                    Responsabilité de paix universelle

Pour sa part, le grand rabbin Di Segni a dit son inquiétude si Vatican II était remis en question. Il a cité les rabbins présents et le morceau d'histoire et de géographie qu'ils représentent : rav Brudman, grand rabbin de Savion en Israël, qui a passé trois années de son enfance dans un camp nazi ; le rav Schneier, de New York, enfant dans l'enfer de Budapest en 1944; le rav Shearyashuv haKohen, grand rabbin de Haïfa « qui a combattu dans la guerre d'indépendance d'Israël en 1948 et a été prisonnier des Jordaniens » ; le rav Arussi grand rabbin de Kiriat Ono, descendant d'une famille du Yémen. Il a aussi mentionné la présence d'un groupe de survivants de la Shoah auquel le pape a adressé des signes d'amitié. Mais le rabbin a voulu souligner que ce n'étais pas seulement une historie de survie mais de « résistance » et de « fidélité » pour ceux qui ont refusé d'abjurer pour se sauver. Lui aussi a insisté sur le fait que juifs, chrétiens et musulmans doivent maintenant travailler ensemble car ils portent une « responsabilité de paix » spéciale, et de « paix universelle », celle annoncée par le prophète Isaïe, qu'il a cité. Auparavant, le rabbin avait mentionné le contexte historique de l'exposition que le pape a ensuite visitée. Le grand rabbin a souligné que ce sont aussi des témoignages du temps où les juifs ne jouissaient pas de leur liberté, acquise en 1870. Il a proposé une méditation à partir du terme de « frères » employé par Jean-Paul II en 1986, en se demandant, en parcourant la bible : quel type de frères ?

Comme en écho, le pape a achevé son discours sur le vœu « d'un amour fraternel croissant ».

Ces discours sont disponibles en italien sur le site de l'Union des communautés juives d'Italie. Le site Internet du Saint-Siège propose aussi le texte du pape en italien, avec une traduction en anglais.

L'échange de cadeaux a été suivi du poignant chant « Ani maamin », « Je crois », profession de foi tragiquement chantée dans les camps d'extermination.

Le pape et le rabbin ont ensuite eu un bref entretien privé en tête à tête vers 18 h dans une salle contiguë à la grande synagogue de Rome.

                        Vers la fraternité authentique

Dans le sous-sol de la synagogue, Benoît XVI a inauguré une exposition qui restera ouverte au public jusqu'au 31 mars, intitulée « Et Ecce gaudium ».

Ce sont 14 dessins du 18e siècle faits par la communauté juive de Rome pour le couronnement de différents papes : Clément XII (1730), Clément XIII (1758), Clément XIV (1769) et Pie VI (1775). Ils ont été retrouvés dans les archives historiques de la Communauté juive de Rome.

Le pape a admiré la beauté des dessins et des peintures, de la calligraphie de versets bibliques, guidé par la commissaire de l'exposition, Mme Daniela Di Castro.

En accompagnant le pape jusqu'à sa voiture, à peu près deux heures après son arrivée, et dans la nuit de Rome, Ricardo Pacifici a ajouté en serrant les mains du pape : « Vraiment merci, continuons » ["Andiamo avanti!"].

Le pape, légèrement essoufflé par ces émotions, est remonté dans sa voiture couverte immatriculée « SCV 1 », sous les applaudissements, alors que l'hélicoptère continuait ses rotations au-dessus de la synagogue. Puis le cortège s'est mis en route vers 18 h 21.

Anita S. Bourdin

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 00:01
Moisés Naím, Rédacteur en chef du magazine Foreign Policy, la situation en Afghanistan. Document traduit par Micha Cziffra, publié sur internet par "Slates".
Jean Bisson - 11 12 2009 
" A quoi consacrera-t-on le plus de place dans la biographie de Barack Obama : la guerre en Afghanistan ou la réforme du système de santé américain? Nous avons là deux audacieux paris historiques qu'Obama a engagés durant sa première année à la Maison Blanche. Il a déjà gagné l'un des deux: le système de santé de son pays sera réformé. Moins que ce qu'il faudrait, mais bien plus que ses prédécesseurs ont obtenu. Le résultat concret de cette réforme est que les Américains seront mieux soignés qu'aujourd'hui. En revanche, le pari d'Obama en Afghanistan  comporte bien plus de risques et, malheureusement, il a beaucoup moins de chances de le réussir.

Pour commencer, on ne peut pas considérer l'«escalade militaire» en Afghanistan comme un pari. Un haut fonctionnaire du gouvernement d'Obama très impliqué dans la prise de décision m'a très justement fait remarquer: «Dans un pari, on a le choix. Le choix de faire quelque chose ou non. Dans le cas présent, le président n'a jamais eu le choix de ne pas renforcer notre présence en Afghanistan. Les généraux n'ont jamais proposé au président une alternative crédible à l'envoi de troupes en renfort. Depuis le départ, ils privilégiaient l'escalade, et le président à fini par accéder à leur requête.»

Bien qu'Obama ait répondu aux attentes du Pentagone, il l'a fait avec réticence et en imposant certaines conditions. La première était de fixer une date pour le retrait des troupes. Dans son discours, Obama a indiqué que les troupes commenceraient à se retirer d'Afghanistan en juillet 2010, c'est-à-dire seulement 11 mois après le déploiement de 30.000 soldats supplémentaires. Mais dès le lendemain du discours du président, Robert Gates, le secrétaire à la Défense ainsi que d'autres hauts responsables sont venus «assouplir» cet engagement. «Il s'agit de la date à laquelle nous commenceront à réduire progressivement le nombre de soldats [stationnés en Afghanistan]», a précisé Gates. Il a souligné que le rythme de cette diminution dépendra de la situation à ce moment-là. Et d'ajouter: «J'ai horreur du concept de «stratégie de sortie»; nous n'allons pas jeter les Afghans à l'eau et partir sans avoir accompli notre mission». Il sait qu'il a affaire à un ennemi patient qui pense en termes de décennies, et face auquel un pays qui réfléchit en mois et annonce son retrait avant de commencer à attaquer, ne peut pas être efficace. Il y a comme une incompatibilité là-dedans: soit les Américains allongent la durée de leur mission militaire en Afghanistan, soit ils en réduisent l'ambition.

Affaiblir suffisamment les insurgés, empêcher qu'al Qaïda utilise le pays comme base pour des opérations et doter les forces armées afghanes de la capacité de maintenir l'ordre et la sécurité nationale sont des tâches qui requièrent assurément plus de 14 mois. J. Alexander Thier [3], un expert qui a vécu en Afghanistan pendant sept ans, souligne que, malgré une augmentation substantielle des troupes étrangères et des fonds destinés à l'aide économique, la situation empire de jour en jour.

En 2002, 69 soldats de la coalition dirigée par les Etats-Unis sont morts au combat. Cette année, les pertes humaines s'élèvent déjà à 485 hommes (rien qu'en août, 77 soldats occidentaux sont morts). Selon les calculs de Thier, le nombre de civils afghans morts dans ce conflit a doublé chaque année depuis 2002. Les bombes et les attentats suicides terroristes qui était auparavant quasi inexistants sont aujourd'hui monnaie courante. La production d'opium est passée de 3.400 tonnes en 2002 à 7.700 en 2008! Ce qui signifie que l'argent disponible pour financer les insurgés a également augmenté de façon spectaculaire. Et tout cela s'est produit après huit ans de présence d'une coalition formée par 40 nations et malgré le fait que les Etats-Unis à eux seuls aient dépensé 227 milliards de dollars sur cette période pour tenter de stabiliser la situation en Afghanistan.

Tout le monde comprend que l'escalade militaire contre les talibans et les autres insurgés en Afghanistan ne saurait être un succès si elle n'est pas accompagnée d'une stratégie efficace visant à obtenir le soutien de la société. Cela implique, entre autre, de mieux protéger la population civile, d'augmenter l'emploi et de diminuer la corruption [4]. Ce ne sont pas des tâches aisées.

L'une des principales exigences de Washington est que le président afghan Hamid Karzaï fasse preuve de véritables progrès en matière de diminution de la corruption. Il est évident que Karzaï peut faire plus dans ce domaine. Mais sa marge de manœuvre est limitée. D'une part parce que les leaders corrompus qui l'entourent ont plus de pouvoir politique et financier que lui et, d'autre part, parce qu'aucun pays n'a réussi à faire baisser son taux de corruption au cours de ces dernières décennies - jusqu'à preuve du contraire.

En résumé, les généraux ont appelé Obama à leur fournir du renfort militaire. Il a finalement accepté sous certaines conditions. Des troupes supplémentaires iront bien en Afghanistan, mais les conditions requises par le président américain ne seront pas remplies. Et c'est ce qu'on lira dans les mémoires de Barack Obama.

Moises Naim  - 08 12 2009

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5 décembre 2009 6 05 /12 /décembre /2009 00:02
Surprise: l'Iran ment (par Moises Naim) un article du Monde

La réaction de la communauté internationale face au programme nucléaire de l'Iran est un test de sa capacité à faire face à une menace. La nier ou la minimiser par lâcheté ne la fera pas disparaître.

Pendant des décennies, un petit groupe de scientifiques a soutenu que fumer n'était pas mauvais pour la santé. Grâce aux doutes qu'ils ont semés, l'industrie du tabac a réussi à repousser les initiatives destinées à sensibiliser les fumeurs aux dangers mortels du tabac. Inéluctablement, la vérité a fini par prendre le dessus, si bien qu'aujourd'hui, personne ne conteste la nocivité de la cigarette.

Avec le temps, on a aussi appris que parmi les défenseurs du tabac, beaucoup étaient en réalité des mercenaires rémunérés par les grands producteurs. Ce débat entre «scientifiques» a contribué à la mort de millions de fumeurs, lesquels auraient pu vivre plus longtemps si les politiques actuellement en vigueur avaient été appliquées il y a vingt ou trente ans. Le plus regrettable, c'est que les véritables experts connaissaient les dangers du tabac bien avant que l'opinion publique et les responsables politiques ne reconnaissent que ce débat n'avait pas lieu d'être et que fumer nuisait évidemment à la santé. La controverse créée par les prétendus experts à la solde de l'industrie du tabac n'était qu'une combine visant à gagner du temps et de l'argent.

C'est un peu ce qui se passe actuellement avec le programme nucléaire de l'Iran, à la différence que la controverse, dans ce cas, risque de faire encore plus de victimes que le tabac. Le gouvernement iranien affirme que les objectifs de son programme nucléaire sont purement pacifiques: il s'agit de produire de l'électricité. D'autres sont convaincus, au contraire, que l'Iran cherche à mettre au point des bombes atomiques. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad a ainsi expliqué: «Notre religion nous interdit de détenir des armes nucléaires et notre chef religieux les a proscrites.» Mahmoud Ahmadinejad a également déclaré: «La bombe atomique est un concept du siècle dernier. Aujourd'hui, elle n'a plus aucune application». Autrement dit, il estime non seulement que sa religion interdit d'utiliser de telles armes, mais également qu'elles ne servent à rien. Lui, ce qu'il souhaite, c'est la production pacifique d'énergie nucléaire, la paix et le progrès pour tous. Comment ne pas abonder dans le sens de Mahmoud Ahmadinejad?

C'est pourquoi l'Iran a de nombreux soutiens. Parmi eux, il y a notamment le président brésilien, Lula da Silva. Après s'être entretenu avec Mahmoud Ahmadinejad à l'ONU, Lula a expliqué aux autres gouvernements que son homologue lui avait assuré que le programme nucléaire iranien avait un but exclusivement civil. Non seulement Lula l'a cru, mais il l'a soutenu avec un grand enthousiasme, dans le souci de «défendre le droit de l'Iran d'utiliser de l'énergie nucléaire», a souligné le dirigeant brésilien. Et Lula est loin d'être le seul à adopter cette position.

Il y a toutefois un petit détail qui a certainement irrité Lula et Ahmadinejad: les chefs d'Etat des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni ont révélé l'existence en Iran d'une usine secrète d'enrichissement d'uranium. Le site consiste en une grotte creusée dans une montagne située à l'intérieur d'une base militaire, près de la ville sacrée de Qom. Cette centrale nucléaire est trop petite pour produire de l'électricité, mais elle est adaptée à la production du type de bombe dont le président Iranien dit qu'elles sont interdites par sa religion. Les preuves indiquant que cette usine a bien une vocation militaire sont tellement accablantes qu'elles ont même convaincu les dirigeants chinois et russe, des alliés de l'Iran qui, jusqu'ici, s'étaient opposés à tout renforcement des pressions internationales contre ce pays.

Ces nouveaux développements ne vont pas forcément clore le débat qui consiste à se demander quels sont les objectifs du programme nucléaire de l'Iran. Beaucoup d'analystes estiment que nous avons encore affaire à un cas où les puissances mondiales inventent un prétexte pour attaquer un pays qui refuse leur leadership. (Un pays riche en pétrole du reste.) Mais, de la même manière que les experts savaient que la controverse sur les effets du tabac était un moyen artificieux de détourner l'attention pour gagner du temps, les experts du nucléaire - aux nationalités et idéologies différentes - sont désespérés quand on leur demande s'il est vrai que l'Iran cherche à construire des bombes nucléaires.

Ceux qui sont au fait de la situation n'ont aucun doute. Le chef de cabinet de l'Ayatollah Ali Khamenei, par exemple, semble ne pas en avoir. Il vient d'annoncer: «Si Dieu le veut, la nouvelle centrale entrera bientôt en activité, et à ce moment là, nos ennemis seront éblouis». Il ne semble pas avoir l'intention de les éblouir avec de la lumière.

La réaction de la communauté internationale face au programme nucléaire de l'Iran sera cruciale pour nous tous. Même pour ceux qui vivent très loin de ce pays. Car le jour où l'Iran aura acquis des bombes nucléaires, l'Arabie saoudite, l'Egypte et d'autres pays de cette région instable se sentiront obligés de posséder les leurs. Or plus le nombre de pays dotés de bombes nucléaires augmentera, plus la probabilité qu'elles soient utilisées - ou vendues ou données à ceux qui voudront les faire exploser dans une grande ville - sera importante. Ce n'est pas dans ce monde-là que vous et moi voulons vivre. Là-dessus, il ne devrait pas y avoir débat.

Moises Naim, rédacteur en chef de Foreign Policy Traduit par Micha Cziffra


Pourquoi Israël attaquera l'Iran
  (cliquer sur le lien pour lire aussi ce texte sur le site « Slates)

 Les risques d'une attaque israélienne contre l'Iran  (de Jacques Benillouche)

Une telle opération politiquement très dangereuse présente aussi des risques militaires importants.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a été explicite lors de son intervention à la tribune de l'ONU: «Le défi le plus urgent à relever est d'empêcher les tyrans de Téhéran d'acquérir des armes nucléaires». Les iraniens ont reconnu qu'ils développaient une deuxième usine d'enrichissement d'uranium près de Qom et qu'ils ont acquis la technologie pour fabriquer des matières fissiles nucléaires. Leurs services de recherche travaillent par ailleurs en collaboration avec les Nord-Coréens pour la fabrication de missiles de longue portée destinés à transporter les ogives nucléaires.

Le gouvernement israélien, s'il prenait la décision politiquement très lourde de conséquences, d'une intervention militaire en Iran, devrait aussi assumer des risques militaires et opérationnels considérables. Il est face à trois difficultés purement militaires considérables:

  • Déterminer les sites devant faire l'objet d'une frappe militaire.
  • Définir les moyens appropriés pour leur destruction.
  • Développer les capacités de renseignement.

Les trois sites visés

Si Israël frappe l'Iran, il devra le faire vite car il ne peut attendre que l'Iran améliore son système de défense aérienne, parvienne au terme de la fabrication et du développement de ses missiles à longue portée et réussisse à mettre au point des armes à l'uranium. Les experts militaires israéliens ont ciblé les trois sites principaux à détruire. Chacun d'entre eux a une fonction très précise complémentaire et leur neutralisation porterait au moins un coup psychologique fort aux rodomontades du pouvoir iranien et à Mahmoud Ahmadinejad. Il s'agit de Natanz avec ses centrifugeuses, Bushehr avec son réacteur nucléaire à eau légère et Arak avec son réacteur à eau lourde. Ces trois sites constituent le trépied du programme nucléaire iranien.

Les centrifugeuses de Natanz sont profondément abritées en sous-sol et protégées en surface par des missiles russes sol-air de courte portée, de type TOR-M. Cette usine produit de l'uranium faiblement enrichi qui permettrait à l'Iran selon des experts israéliens et américains de fabriquer des armes nucléaires aux environs de 2010.

Les experts hésitent à se prononcer sur la capacité des Israéliens à créer des dommages irréversibles au site de Natanz car les usines sont profondément enfouies dans le sous-sol à moins qu'Israël n'utilise les bombes GBU-28 fournies récemment par les Américains. Certains suggèrent cependant que l'Etat juif dispose dans son arsenal de bombes propres à variante nucléaire capable de faire exploser les galeries souterraines situées à plusieurs centaines de mètres de profondeur et pouvant pallier l'inefficacité éventuelle des bombes américaines. Mais le secret militaire reste bien gardé.

La destruction de Natanz pourrait entrainer un retard de plusieurs années sur le programme militaire iranien ce qui semble être l'objectif minimum recherché par Israël. Mais la proximité de certaines usines et d'agglomérations habitées par de nombreux civils pose le grave problème des dégâts collatéraux. Israël assure que ses armes électroniques sont suffisamment précises pour éviter d'atteindre les populations. Rien n'est moins sûr.

Bushehr est une centrale nucléaire construite par la Russie à des fins de production de plutonium. Elle n'est pas encore opérationnelle bien qu'elle ait été chargée en combustible cette année. Les Russes, qui s'attendent à une confrontation israélo-iranienne, ont déjà prévu des nouvelles livraisons de matériel de protection pour pallier toute attaque par les airs. En s'attaquant à cette centrale, Israël prend le risque d'une confrontation avec la Russie qui pourrait se sentir visée. Netanyahou a anticipé les éventuelles critiques en se rendant en secret à Moscou pour négocier une sorte de neutralité russe.

L'installation d'Arak dispose d'un système de protection efficace mais le risque attaché à ce réacteur ne pendra effet qu'en 2011, date opérationnelle prévue par les Iraniens pour la production de plutonium enrichi.

Stratégie militaire 

Pour des raisons de sécurité, les Iraniens ont dispersé leur capacité de production dans  plusieurs régions et des bâtiments civils, servant de stockage, compliquant la tâche israélienne en cas de frappe. Les experts doutent donc de la capacité d'Israël à renouveler l'exploit de la destruction du réacteur irakien Osirak en 1981.

Les militaires ont à résoudre le problème fondamental de l'éloignement des sites visés des bases aériennes israéliennes. Ils savent qu'ils ne pourront disposer d'aucune aide de la part des Américains qui désapprouvent par avance l'opération et qui ne veulent pas subir les foudres de leurs alliés arabes.

La distance à parcourir par les avions de chasse, conçus pour de faibles distances, constitue un blocage technique car les cibles potentielles se situent entre 1.500 et 2.300 kilomètres de la frontière israélienne et le ravitaillement en vol à lui seul ne résout pas tous les problèmes. L'Iran, qui se sait menacé depuis plusieurs années, a conçu des systèmes de protection de ses usines, a éparpillé ses programmes nucléaires en différents lieux et a même développé des systèmes de remplacement, des «backup», en cas de frappe militaire. L'existence d'un nouveau site d'enrichissement près de Qom suffit à le démontrer.

Une attaque pourrait retarder le programme nucléaire comme le souligne le Secrétaire à la défense américain Robert Gates mais serait dans l'impossibilité de le stopper. Par ailleurs les Américains ont alerté les Israéliens sur le fait que le survol de pays arabes entraînerait leur réprobation et que leur action serait condamnée fermement à la fois par les pays arabes modérés, même s'ils en seraient peut-être officieusement satisfaits, par la Russie, la Chine et la majorité des pays européens. Cela n'inquiète pas outre mesure Israël qui n'a pas l'habitude de tenir compte des mises en garde quand son existence est menacée. Il existe un consensus en Israël sur le fait que l'émergence d'un Iran nucléarisé avec le régime actuel à Téhéran est une menace mortelle.

Israël dispose d'avions de combat, de capacités de ravitaillement en vol et d'armes de précision téléguidées air-sol permettant une frappe des cibles repérées. Il a prévu de contourner les défenses aériennes de ses voisins arabes qui d'ailleurs ne prendraient sans doute pas le risque de s'attaquer à l'aviation israélienne. Aucun chasseur par exemple n'a été engagé par la Syrie lors de la destruction de son usine nucléaire en septembre 2007. Mais des indiscrétions israéliennes expliquent cette neutralité par une arme secrète qui s'attaque aux radars pour les rendre aveugles et inopérants.

Israël s'exerce depuis longtemps à tester ses capacités d'intervention à longue distance. Trois F-15 ont couvert en août 2003 une distance de 2.600 kilomètres jusqu'en Pologne après ravitaillement en vol. Une escadrille d'avions israéliens a procédé en mai 2009 à des exercices pour les mener sans escale jusqu'à Gibraltar, située à 3.800 kms des bases, bien au delà de la distance nécessaire pour atteindre les cibles iraniennes.

Israël est aujourd'hui en mesure de lancer trois escadrons d'avions de combat, protégés par des chasseurs d'escorte, capables d'agir en une seule série de frappes contre l'Iran. Les outils de contre mesures électroniques peuvent neutraliser ou annihiler les défenses ennemies. Les militaires, assez optimistes, considèrent que leurs pertes seraient minimes en cas d'obstruction due à l'action de missiles sol-air iraniens dont l'efficacité serait limitée grâce à leurs leurres électroniques sophistiqués.

Capacité de renseignements

Les observateurs ignorent si Israël réussira à détruire l'installation souterraine blindée de Natanz d'autant plus que l'Etat juif ne dispose pas d'outil de mesure des dégâts occasionnés. Par ailleurs, ses services de renseignements peu efficaces dans la région, sont à la recherche des sites non encore répertoriés avec l'inquiétude de ne pouvoir les atteindre. La surprise de l'annonce d'une nouvelle usine à Qom est éloquente en la matière. La menace d'Israël se précisant, beaucoup d'installations secrètes sont construites et échappent au contrôle des satellites d'observation. La détention de l'arme nucléaire ne suffit pas à elle seule. Elle est doublée par des usines de construction de missiles à longue portée nécessaires pour transporter une ogive nucléaire. Ces usines portent à une douzaine le nombre de cibles qui devraient être traitées par l'armée israélienne.

L'Etat juif est cependant limité dans son potentiel militaire. Quelle que soit sa force, il n'atteindra jamais la capacité de frappe massive des Etats-Unis tandis que ses lacunes sur le plan du renseignement risquent de ne pas lui permettre d'évaluer avec précision les dommages causés par ses frappes. Le Mossad aura fort à faire pour améliorer les moyens de vision d'Israël. Il devra être constamment à la recherche de toutes les nouvelles cibles résultant de la dispersion des unités de production iranienne.

En raison de leur éloignement, toutes ne pourront pas être visées lors de la première frappe et la sélection s'impose donc. Israël concentrera ses attaques sur un nombre limité de cibles quitte à recommencer, plus tard, si le besoin se faisait sentir. Mais il ne pourra pas toujours compter sur la neutralité de ses voisins arabes si l'opération venait à se reproduire et il ne pourra pas axer sa stratégie uniquement sur les faiblesses supposées de la défense iranienne. La solution à court terme viendrait de la mise au point d'un missile de longue portée israélien suffisamment précis pour être capable de toucher ses cibles sans le recours à l'aviation. Les chercheurs de Tsahal sont sur la brèche.

 

IRAN / NUCLEAIRE

Point presse du 26 11 2009 - Ministère français des Affaires étrangères et européennes.

(M. El Baradeï vient d'exprimer sa déception face à la réponse iranienne dans l'affaire de fourniture de combustible au réacteur de Téhéran. Quelle est votre réaction sur ses remarques et avez-vous des éléments de réponse sur le dernier rapport sur l'Iran ? Le représentant de l'Iran a l'AIEA, Ali Asghar Sultanieh, a déclaré que son pays allait ''limiter au strict minimum'' sa coopération avec l'agence internationale si le conseil adopte une résolution condamnant l'Iran. Quelle est votre réaction ?)

Comme M. El Baradeï, la France, par la voix de Bernard Kouchner, a également eu l'occasion d'exprimer sa déception en raison de l'absence de réponse positive de l'Iran aux propositions faites par les ''E3+3'' à Genève :

- Bien que des inspecteurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) aient visité l'installation d'enrichissement de Qom, nous avons noté l'évaluation du directeur général de l'AIEA selon laquelle l'Iran aurait dû déclarer beaucoup plus tôt à l'Agence la construction de cette installation et n'a pas respecté ses obligations internationales. La construction de cette nouvelle installation d'enrichissement s'est faite en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Le Conseil des gouverneurs de l'AIEA aujourd'hui cette question ;

- L'Iran ne s'est pas engagé dans un dialogue constructif et a en particulier refusé une nouvelle rencontre avant la fin octobre pour discuter de son programme nucléaire ;

- L'Iran n'a pas répondu favorablement au projet d'accord de l'AIEA au sujet de la fourniture de combustible nucléaire pour le réacteur de recherche de Téhéran (TRR).

Nous appelons instamment l'Iran à chercher sérieusement le rétablissement de la confiance de la communauté internationale dans les finalités de son programme nucléaire, en mettant en oeuvre les demandes du Conseil des gouverneurs de l'AIEA et du Conseil de sécurité - en particulier la suspension de ses activités nucléaires sensibles - en coopérant sans restrictions avec l'Agence, et en apportant une réponse positive aux propositions des ''E3+3''. Cela demeure notre objectif princip
al.

 

 

 

 

 

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:02
Les sociétés européennes crispées face à l'enracinement de l'islam

LE MONDE | 30.11.09 | 10h40  •  Mis à jour le 30.11.09 | 10h44 

Frontalement, les Suisses ont répondu, dimanche 29 novembre, à des questions qui taraudent, à des degrés divers, l'ensemble des pays européens. L'islam est-il compatible avec les sociétés européennes ? Peut-il devenir un élément des identités nationales qui ont forgé le continent ? 

En approuvant l'interdiction de construire des minarets, les Suisses ont répondu "non" et il n'est pas certain que d'autres, à leur place, auraient voté différemment. Car même si c'est "l'islamisme" qu'ils prétendent combattre, c'est en réalité la présence même de l'islam sur des terres chrétiennes que les groupes politiques les plus actifs mettent en question.

Le parti flamand d'extrême droite, en Belgique, et le Parti pour la liberté, aux Pays-Bas, ne s'y sont pas trompés : dès dimanche, leurs responsables ont annoncé leur intention de déposer des propositions visant à interdire la construction de minarets. Il s'agit, pour le député flamand Filip Dewinter, de donner aux musulmans un "signal qu'ils doivent s'adapter à notre manière de vivre et non l'inverse".

En France, la vice-présidente du Front national, Marine Le Pen, ne dit pas autre chose. Se félicitant du vote suisse, elle a demandé aux "élites de cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens, qui rejettent les signes ostentatoires des groupes politico-religieux musulmans, souvent à la limite de la provocation".

"Signes ostentatoires" : le mot est lâché. Car si l'image de l'islam, dégradée par la violence de l'actualité internationale depuis une décennie, explique en partie les soupçons d'extrémisme accolés aux musulmans à travers le monde, elle ne suffit pas à justifier le rejet de l'islam en Europe. C'est indéniablement la visibilité des musulmans, qui, dans les sociétés européennes, pose problème.

PRATIQUES RELIGIEUSES OSTENSIBLES

Religion aux rituels ancrés dans la vie quotidienne, en termes d'alimentation, de prière ou de tenue vestimentaire, avec le voile pour les femmes, l'islam s'est installé dans des pays marqués par une forte sécularisation et une inexorable déchristianisation. Ces pratiques religieuses ostensibles heurtent d'autant plus qu'elles émergent dans un contexte où la place de la religion jusque-là dominante, le christianisme, n'a jamais été aussi faible.

En outre, l'immense majorité des fidèles musulmans, soucieuse d'adaptation et d'intégration aux sociétés ambiantes, est régulièrement desservie par des groupes intransigeants et revendicatifs, dont certaines demandes (port du voile intégral, refus de la mixité…) semblent exorbitantes aux sociétés qui les accueillent.

Il faut bien reconnaître que, face à ces phénomènes, la communauté musulmane, souvent encore peu organisée, paraît incapable de réguler ces comportements. Les tenants d'un islam européo-compatible ne demandent pourtant qu'à être confortés dans leurs efforts d'intégration par la construction de lieux de culte dignes et la reconnaissance de besoins cultuels et culturels (carrés musulmans dans les cimetières, fêtes religieuses…).

Or, ce ne sont pas les stigmatisations empreintes de populisme, telles que le vote anti-minarets en Suisse ou l'offensive politique anti-burqa en France, qui aideront les "modérés" à faire sereinement accepter l'islam pour ce qu'il est désormais : la deuxième religion d'Europe.

L'exclusion et la discrimination sont, en revanche, les meilleurs terreaux pour un radicalisme, un repli communautaire et une ghettoïsation, potentiellement beaucoup plus explosifs.

Stéphanie Le Bars

Article paru dans l'édition du 01.12.09  -   Les parties  soulignées l’ont été par Jean Bisson
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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 00:01
Un article bien fait, signé Louis MOULIN, et trouvé dans « slates » sur internet.
Jean Bisson - 02 12 2009 

Le rite de l'Aïd el-Kébir obéit à des règles précises.

L'histoire est toujours confuse. Vendredi 27 novembre 2009 à Marseille, le journaliste le plus populaire de France, Harry Roselmack, a été empêché de quitter un site d'abattage pour l'Aïd el-Kébir alors qu'il se trouvait dans une voiture avec un jeune musulman, objet de son reportage, et un mouton vivant dans le coffre. Le quotidien régional La Provence a le premier fait le récit de cet épisode. Le présentateur des 20-Heures du week-end sur TF1 se trouvait à Marseille pour tourner une émission sur les religions. Il voulait suivre un abattage selon un rite traditionaliste. Ce que la police de Marseille cherche justement à éviter.

L'Aïd el-Kébir («la grande fête», de son vrai nom Aïd-al Adha, c'est à dire exactement «la fête du sacrifice») a lieu vendredi 27 novembre 2009. Cette fête (à ne pas confondre avec l'Aïd el-Fitr, «la fête de la rupture» qui marque la fin du Ramadan) est la plus importante du monde musulman. Elle célèbre la dévotion d'Ibrahim, l'Abraham judéo-chrétien, celui à qui Dieu aurait demandé de sacrifier son fils (Ismaël pour les musulmans, Isaac pour les chrétiens et les juifs) sur un autel. Au moment de passer à l'acte, Dieu aurait envoyé un mouton par l'entremise de l'Archange Gabriel pour remplacer le fils d'Ibrahim. Les musulmans sont donc invités au cours de l'Aïd el-Kébir à sacrifier un mouton selon un rite précis. Petit cours pratique sur ce rite.

Choisir le mouton

Précisons d'entrée de jeu: ne doivent accomplir l'Aïd-el-Kébir que ceux qui en ont les moyens. En l'occurrence, le prix moyen constaté dans les boucheries musulmanes pour un agneau égorgé selon le rite est de 200€, souvent jugé excessif. Ainsi Nourredine Bouamama, sacrificateur agréé par la mosquée d'Evry, se plaint d'une taxe spéciale que pratique l'abattoir dans lequel il travaille: «Pour l'Aïd, ils rajoutent 3 à 4€ supplémentaires sur le prix du mouton. C'est une taxe injustifiable! On ne devrait pas faire de l'argent à l'occasion d'une fête qui est celle du grand pardon». Comme pour tous les produits, il existe un nombre d'intermédiaires qui se servent entre l'éleveur et le consommateur. S'il est à 200€ en boucherie, le mouton se négocie autour de 120€ vivant dans un marché à bestiaux et de 170€ égorgé en commande directe auprès d'un abattoir.

Quoiqu'il en soit, il ne s'agit pas de prendre n'importe quelle brebis galeuse de passage mais de veiller à choisir un ovin de qualité. Le service Hallal de la Grande Mosquée de Paris prescrit ainsi qu'«Il ne faut pas qu'il soit borgne, il ne faut pas qu'il ait la queue coupée et surtout il faut qu'il ait moins d'un an révolu». Au-delà, l'agneau n'est plus propre au sacrifice aux yeux d'Allah. Que faire dans les régions du monde où il n'y a tout simplement pas de moutons? on peut prendre une chèvre par exemple. C'est le cas notamment en Afrique subsaharienne ou en Inde.

Attendre le bon moment

Un mouton qui ne serait pas égorgé le jour de l'Aïd n'est pas un vrai mouton de l'Aïd. Il s'agit donc, dans un premier temps, d'attendre le bon jour, à savoir le dixième jour du mois de Dhou Al-Hijja, le douzième mois lunaire de l'Islam, marqué par le hajj (pélerinage) à la Mecque. Il survient le lendemain (du neuvième jour de Dhou Al-Hijja, donc) du passage des pélerins dans la plaine entourant le mont Arafat, à 20 kilomètres de la Mecque, une obligation du hajj. Le jour de l'Aïd, il faut aussi attendre que soit prononcée dans les mosquées la prière de l'Aïd, vers 9h du matin. Alors seulement les sacrificateurs peuvent officier dans les abattoirs.

Lorsque vous égorgez une bête, égorgez bien

C'est un hadith (un dit du prophète Mahomet) qui le prescrit. Mais alors, comment bien égorger? Il faut déjà que la tête de l'agneau soit bien tournée vers la Mecque, comme les musulmans s'en assurent lorsqu'ils prient. D'après Nourredine Bouamama, notre sacrificateur, pas besoin d'avoir une boussole non plus,«l'essentiel c'est d'être à peu près dans la bonne direction». Sud-Est donc, en France. Ensuite, le sacrificateur doit prononcer la prière rituelle «Bismillah Allah Akbar» («Par la grâce de Dieu, Dieu est grand») avant de procéder à son office. Très souvent aussi, il annonce à voix haute pour qui va ou vont être égorgé(s) le(s) mouton(s). «Par exemple je dis "Ces agneaux vont-être pour les gens de la mosquée de Gennevilliers" avant de tuer tous ceux qui ont été achetés par cette communauté, explique Nourredine. Il arrive parfois que les bouchers aient une liste avec les noms de famille de leurs clients. Il faut alors spécifier le nom de chaque famille à voix haute».

Ensuite ça va très vite: «un aller-retour» et la bête se vide de son sang. Pour qu'il n'y ait pas de problèmes, le sacrificateur a toujours plusieurs couteaux d'avance, bien aiguisés. Au service Hallal de la Grande Mosquée de Paris, on précise qu'«il ne faut pas que la bête voie la lame avant le sacrifice. Une fois l'agneau égorgé, on peut en faire ce qu'on veut. Par contre, avant, on ne peut pas l'étourdir. Il faut que l'animal soit conscient».

Partager la bête

Quand le vin est tiré, il faut le boire. C'est pareil avec l'agneau de l'Aïd. A ce titre, il n'y a aucune prescription particulière, on peut le cuisiner à toutes les sauces. La Sourate «Le Pélerinage», dans le Coran, précise simplement à propos du mouton de l'Aïd: «Mangez-en vous-mêmes et faites-en manger le besogneux misérable». Ce qui a donné dans les mœurs la règle des trois tiers, observée par certains musulmans: un tiers du mouton pour eux-mêmes, un tiers en cadeau aux amis et aux voisins et un tiers en aumône pour les pauvres.

Evidemment, comme on dit dans ces cas-là, ne le faîtes pas chez vous! Tout simplement parce que c'est interdit. La préfecture de police de Paris précise ainsi chaque année qu'il est non seulement interdit de sacrifier un mouton hors d'un abattoir, mais qu'il est aussi défendu «de décharger et de vendre des animaux de boucherie vivants à Paris», «de détenir, laisser circuler, exposer, céder, vendre ou mettre en vente des ovins non identifiés» ou «d'entretenir, laisser stationner, dans et aux abords des habitations et dans les lieux communs des animaux de toutes espèces». Bref, impossible de vous promener avec un mouton dans le coffre pour l'égorger dans votre appartement, pratique qui, d'après la Grande Mosquée de Paris, relève plus du mythe que d'autre chose aujourd'hui. Du reste, la Préfecture de Police de Paris n'a pas relevé d'infractions l'année dernière.

Aujourd'hui, l'abattage de l'Aïd est encadré par les trois mosquées de Paris, Lyon et Evry-Courcouronnes. Il se passe dans des abattoirs agréés, avec des sacrificateurs ayant reçu l'approbation des autorités religieuses, comme Nourredine Bouamama à Montmorillon dans la Vienne.  

Louis Moulin

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