25 juillet 2009 6 25 /07 /juillet /2009 23:03

Mgr Henri Teissier, archevêque émérite d'Alger a abordé récemment ce sujet dans une interview publiée par le Centre international d'étude et de recherche « Oasis ».

Les relations islamo-chrétiennes et les traditions locales sont de plus en plus conditionnées par la situation mondiale et internationale. Et, en Algérie, la tradition dominante vise à isoler les non musulmans.

Pour cet évêque, d'origine française, qui a douloureusement vécu la crise terroriste qui a frappé le pays dans les années 1990, « le repli de l'identité, arabe pour certains, berbère pour d'autres, musulmane pour d'autres encore » représente « l'Algérie actuelle ».

« Durant les premières années après l'indépendance, on parlait de développement, de formation universitaire, d'emplois et de chômage. Aujourd'hui, l'usage principal semble être celui d'apparaître enraciné dans sa propre identité ».

« Un phénomène généralisé », a-t-il souligné, même s'il y a « des personnes qui tentent de quitter le pays en recherche de nouvelles espérances. Et cela ne signifie pas que ce sont des Algériens ou des musulmans pires que les autres ».

Les relations entre chrétiens et musulmans, au contraire, sont aujourd’hui  « conditionnées par la situation mondiale, qui tend à créer une séparation en deux camps : celui occidental, considéré comme ennemi de l'Islam, et celui islamique ».

« Mais dans la vie concrète - a-t-il précisé - il existe des situations où les chrétiens et les musulmans sont très proches et ont de solides relations d'amitié ».

Des espaces de dialogue existent, mais pour que le dialogue perdure, il est nécessaire de donner des preuves  que les musulmans et l’Islam sont respectés dans l’attitude occidentale et au niveau mondial.

En effet, « entre ce qui se passe en Europe et ce qui se passe sur la rive méridionale de la Méditerranée, il y a une forte interdépendance ». « Nous vivons dans un contexte de globalisation et c'est cela l'horizon sur lequel il faut penser la relation entre chrétiens et musulmans ».

Mgr Teissier reconnaît que la situation en Algérie a beaucoup changé ces dernières années. Avant, il y avait une tradition non agressive. Il était par exemple possible de participer à des fêtes d'amis musulmans, d'être invités à la rupture du jeûne du mois du Ramadan, ou de partager un repas en commun à l'occasion de la Fête du sacrifice.

Maintenant, une tradition moyen-orientale et étrangère à l'histoire locale domine. Celle-ci vise à séparer musulmans et non musulmans.

Les Algériens se trouvent partagés entre deux traditions : une tradition ouverte, celle de l'Islam populaire, que les Algériens nés avant l’indépendance ont spontanément interprété, et une tradition beaucoup plus fermée et rigide, qui pousse les musulmans les plus jeunes à se méfier des non musulmans.

Cette fermeture ne concerne pas seulement les relations entre musulmans et chrétiens, mais celles entre musulmans ouverts au dialogue et musulmans qui, au contraire, le refuse.

Il faudrait donc travailler pour faire prévaloir la tradition de l'amitié et de l'ouverture. Sans quoi ce pays n'aura probablement pas d'avenir.

En Algérie, on compte moins de 10.000 catholiques sur une population de 33 millions d'habitants. L'islam est la religion d'Etat et la liberté de culte est normalement garantie par la Constitution. Toutefois, le « Rapport 2008 sur la liberté religieuse dans le monde », rédigé par l'Association Aide à l'Eglise en détresse (ACS), a inscrit l'Algérie dans la liste des pays où l’on peut constater certaines limites juridiques à la liberté de culte. En février 2006, une mesure qui « discipline » l'exercice des cultes non musulmans a été adoptée. Son véritable objectif est de faire face aux conversions croissantes de musulmans au christianisme évangélique. Le décret-loi approuvé le 21 mars 2006 punit les tentatives de conversion de musulmans par des contraventions de 5 à 10.000 dollars et des peines de prison de 2 à 5 ans.

Le gouvernement algérien a interdit la production et la distribution de textes, audio et vidéos destinés à troubler l'Islam et a par ailleurs réglementé les édifices utilisés par les chrétiens pour les activités religieuses. Il a interdit l'utilisation de maisons comme lieux de culte et toute nouvelle église doit être autorisée. C'est pourquoi les prêtres doivent désormais demander l'autorisation au gouvernement pour mener des activités pastorales auparavant normales, comme celle de visiter les prisonniers.

On voit donc les interférences entre situations locales et évolutions internationales qui tendent à séparer plutôt qu’à rassembler, à s’isoler plutôt qu’à dialoguer.

Cette tendance au replis identitaire, souvent doublé d’un hyper-nationalisme, est un danger parce qu’il va à l’encontre d’une mondialisation pacifique et du respect de l’altérité, autant de bases indispensables à la paix universelle.

Jean Bisson – 26 07 2009 B
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