30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 00:02

On sait que le Vatican a ouvert ses portes à la fraction de l’Eglise anglicane qui s’oppose au libéralisme actuel favorable au sacerdoce des femmes et aux prêtres homosexuels. Dans cette conjoncture, Mgr Rowan Williams, archevêque de Canterbury, a rencontré Benoît XVI le 21 novembre dernier, au Vatican. Il semblerait bien que le prélat anglican ait donné au Pape une leçon de catholicisme...  ( Un article de Jean Mercier du  24.11.09 – WEB)

Jean Bisson – 30 11  2009

Sur les photos, la tension est presque palpable. Buste penché en avant, Rowan Williams, l'archevêque de Canterbury, a les deux coudes franchement calés sur le bureau du pape. Benoît XVI, lui, apparaît tassé dans son fauteuil, comme en position de repli défensif.

Un mois exactement après l'annonce des dispositions spéciales de l'Eglise catholique en faveur des déçus de l'Anglicanisme, Rowan Williams a rencontré Benoît XVI à Rome le 21 novembre. L'échange, nous dit-on, a été « cordial ». C'est-à-dire sûrement glacial. Jamais en effet, les relations entre Rome et Canterbury n'ont été aussi tendues. La Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus, qui vise à agréger au Siège de Pierre de larges portions du troupeau anglican, n'a été que le catalyseur d'une crise plus profonde.

La veille, l'archevêque de Canterbury a tenté de reprendre la main lors d'une conférence où il a livré son coeur. Plutôt honnête, Rowan Williams a reconnu que l'opération séduction de Benoît XVI n'était pas un coup bas œcuménique, mais qu'il s'agissait d'une « réponse pastorale imaginative » et que cela ne créait « rien de neuf d'un point de vue ecclésiologique ».

Une façon de répondre à ceux qui accusent Benoît XVI de casser l'œcuménisme, comme Hans Küng. Mais le théologien anglican a tenu à administrer au pape une leçon de catholicisme.

Il lui reproche d'abord de ne pas faire la différence, en matière d'œcuménisme, entre des dossiers de premier ordre – sur lesquels les chrétiens sont d'accord (dogmes comme incarnation de Dieu, sacrements comme le baptême) et de second ordre (ordination des femmes) sur lesquels les Eglises se divisent à tort. On lit ici, en filigrane, une critique lancée au pape qui aurait oublié l'un des points clés de Vatican II, à savoir l'introduction de la « hiérarchie des vérités ».

Pour le primat anglican, ne pas ordonner des femmes prêtres et évêques implique de « faire une différence entre baptisés hommes et femmes, ce qui remet en cause la cohérence de l'ecclésiologie ». Modifier l'usage sur des points de second ordre n'affecte pas les réalités du premier ordre. Par exemple, selon lui, l'introduction des ministères féminins n'a pas changé le regard que les Anglicans posent sur les réalités de « premier ordre » (le salut).

Rowan Williams lance aussi, à mots à peine voilés, une critique acérée de la façon dont l'Eglise catholique envisage et gère l'autorité. Il met en garde contre ceux qui veulent« réaffirmer le langage de la règle et de la hiérarchie établi par décret, avec des oppositions formelles entre enseignant et enseignés, directeurs et dirigés ». Il oppose à cette réalité l'action de l'Esprit saint. Il  rappelle que Vatican II avait rompu avec l'idée d'une Eglise pyramidale et de nature juridique. En clair, il semble accuser Benoît XVI d'être infidèle au Concile. Il appelle à une nouvelle vision ecclésiologique où l'autorité conférée par l'ordination et la collaboration collégiale soient équilibrées.

Sur la primauté de l'évêque de Rome, Rowan Williams se demande si elle est aussi importante que cela pour l'unité des chrétiens, et met en cause sa dimension juridictionnelle. Pour lui, les chrétiens doivent être capables de communier à la même table sans que ce problème ne soit d'abord résolu.

Pour finir, Rowan Williams cite en exemple la façon dont les Anglicans cherchent la vérité à travers des conflits, en recherchant l'unité sur les dossiers essentiels et en composant sur les dossiers « secondaires ». Le problème est néanmoins qu'aujourd'hui sa propre Communion est en état de schisme car les Anglicans n'arrivent pas à se mettre d'accord sur ce qui relève des questions de premier ordre et celles de second ordre.

Pour les conservateurs anglicans, qu'ils soient portés au protestantisme évangélique ou au catholicisme, des questions comme l'accès des femmes ou des homosexuels à la prêtrise et l'épiscopat n'appartiennent pas à la catégorie des choses secondaires, mais portent atteinte à la cohérence de l'Eglise, et sont du domaine du non-négociable.

Jean Mercier - 24.11.09 – WEB  (Les passages soulignés l’ont été par Jean Bisson)
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