Minarets, clochers, laïcité et modernité

Le Président Sarkosy est intervenu sur le quotidien Le Monde. Après bien d’autres. Si je suis bien d’accord pour reconnaître aux Suisses la faculté d’utiliser librement leur droit de votation, tout à fait légal et pleinement démocratique, j’ai aussi le droit de penser que la majorité qui s’est exprimée contre la présence de minarets est regrettable car elle dévoile sentiments et peurs d’un peuple que j'ai le droit de ne pas partager !

Bien sûr droit aux mosquées, mais une mosquée sans son minaret, est-ce encore une vraie mosquée ? Etre chrétien sans avoir le droit de faire le signe de Croix, se rassembler dans une église sans clocher, et pourquoi pas sans autel, sans ambon, sans cierges ? Non, je n'accepte pas ces amputations.

Qu’est-ce qui motive ce refus ? La peur de perdre son identité religieuse ? Mais perd-on sa foi si un lieu de culte ou le  symbole d’une autre religion se manifeste ? C’est triste de sentir ainsi agressé par l’altérité… N’est-ce pas en tout cas l’aveu de se sentir faible et bien fragile ! L'aveu d'une peur.

C’est aussi l’aspect négatif de toute majorité qui, lorsqu’elle détient le pouvoir ou la force, voire l’autorité, en profite – sciemment ou non – pour écraser ou humilier les minorités.

Pour sûr que dans la plupart des pays arabo-musulmans les chrétiens sont humiliés, qu’ils n’ont pas le droit d’avoir une église, avec ou sans clocher, que des Chrétiens sont arrêtés parce qu’ils détiennent une Bible, que les groupes religieux sont dépouillés de leurs biens, et certains sont assassinés à cause de leur foi ! Mais est-ce parce que quelques-uns des pays musulmans se montrent intolérants que l’Occident se trouverait justifié de suivre cette  mauvaise voie ?

La vraie laïcité respecte et fait respecter par tous les citoyens la liberté religieuse des croyants. Les coutumes et traditions qui sont liées à une foi religieuse, elles, peuvent exiger une certaine discrétion ou un consensus. C’est le cas, je pense, de la non-présence de Crucifix sur les murs d’un bâtiment public ouvert à tous. Mais clocher ou minaret sur un lieu de culte n’oblige personne à y entrer ! 

Vouloir supprimer tout patrimoine religieux de nos paysages serait une folie. Figer nos paysages sur une époque précise du passé n’est pas davantage envisageable : cela signifierait pas d’autoroute, ni de voies ferrées rapides, ni de viaducs nouveaux, ni d’immeubles modernes, ni d’éoliennes  …

Il faut que le monde moderne, ouvert à la mondialisation ne sombre pas à la peur de l’évolution vers la diversité des cultures, des modes de vie, des religions, des goûts… C’est là, au contraire l’aspect le plus positif de la mondialisation.

Jean Bisson – 12 12 2009