17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 23:01

Du nouveau « Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche ». (article publié sur le site internet « slate.fr », le 15 juillet 2009

(...) Au regard de l'histoire du ministère, ce changement d'appellation n'est qu'une péripétie. Il va de soi que le ministère s'occupe d'alimentation. Le problème n'est donc pas celui de la compétence mais de l'affichage politique. C'est Gambetta qui le premier, décida en 1881 de faire de l'agriculture, alors accolée aux travaux publics et/ou au commerce, un ministère à part entière. Pendant presque un siècle, l'agriculture fut un ministère «sec» si l'on excepte la parenthèse d'un ministère de «l'agriculture et du ravitaillement» sous le régime de Vichy.

Le premier accroc se produit en 1972 (gouvernement Messmer). Le ministère devient «de l'agriculture et du développement rural ». Il est confié à un jeune ministre plein d'avenir pour qui, sans doute, le portefeuille agricole n'était pas assez grand ... Jacques Chirac. Lequel, sitôt premier ministre, s'empresse de ramener le ministère à son ancien périmètre... Depuis 20 ans, le champ du ministère n'est pas stabilisé. Agriculture ou Agriculture et forêt sous les gouvernements de gauche, agriculture et pêche (Gouvernements Balladur 1993/1995 et Jospin 1997/2002), agriculture et alimentation, puis agriculture, pêche et alimentation (Gouvernements Juppé 1995/1997), agriculture, pêche, alimentation et affaires rurales (Gvt Raffarin 2002 /2004), puis à nouveau agriculture et pêche depuis 2005 (Gouvernement Villepin 2005/2007 et Fillon 2008).

La deuxième possibilité est de considérer cette adjonction comme un élément de communication politique. Une sorte d'additif alimentaire pour valoriser les agriculteurs et pour «défendre un modèle alimentaire». Avant son départ, M. Barnier avait évoqué la nécessité de cette extension. «Ce changement correspond au modèle alimentaire que nous prônons, un modèle qui n'est pas aseptisé, avec des produits de qualité, qui ont du goût et qui sont labellisés». Quelques propositions récentes de la Commission européenne, telles que l'établissement de «profils nutritionnels» type, largement inspirées par l'industrie agro alimentaire qui ne verrait que des avantages à disposer d'un consommateur européen uniforme, montrent que la France doit garder une vigilance sur ce thème. Ce qui justifierait cette adjonction de circonstance.

Mais on peut espérer aussi une autre lecture et une autre ambition. Degrandes épreuves attendent la politique agricole commune (PAC). La négociation budgétaire sera cruelle. La PAC ne pourra être défendue que si le citoyen a le sentiment qu'elle est légitime et utile. Qu'elle lui est utile.

Le rapport 2009 sur l'état de l'Union européenne de la fondation Schuman évoque cette évolution nécessaire. «La PAC doit renouer avec l'opinion en s'occupant du citoyen consommateur, c'est-à-dire, en l'espèce, de son alimentation. La PAC, politique agricole commune, gagnerait à devenir une politique agricole et de l'alimentation, PAAC, qui s'attacherait à ce que les Européens mangent. (Or) l'alimentation coûte cher, une part croissante de la population souffre de troubles de nutrition, mais les producteurs, éleveurs et légumiers, ne bouclent pas les fins de mois. L'élevage et le secteur des fruits et légumes, parent pauvre des soutiens communautaires, pourraient devenir les secteurs phares de l'intervention européenne».

L'alimentation est donc plus qu'un mot, c'est un message. Pas seulement pour une qualité de production mais pour une autre conception de la PAC. Ainsi, cette adjonction, loin d'être un simple «additif alimentaire» peut aussi devenir une position politique et même une position de combat pour les grands débats agricoles qui se préparent.

Nicolas-Jean Brehon

17 07 2009 B
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