9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 00:01

Que voulait exprimer le Ministre Guéant lorsqu'il a déclaré que "contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous (1), toutes les civilisations ne se valent pas"? Il le précise dans son même discours prononcé devant l'association d'étudiants de Droite Uni, un groupe qui n'a jamais caché son enracinement : "Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique".

 

Que signifie "civilisation"? J'aime, et j'ai toujours fait mienne, la définition qu'en donnait l'écrivain André Maurois (2): "La civilisation n'est autre chose que l'acceptation, par des hommes, de conventions communes". Ne faut-il pas en conclure que des hommes vivant ensemble, en un lieu et en un temps, élaborent en commun ce qu'ils reconnaissent être alors les codes et références de leur "vivre ensemble"? Opposer une "idéologie relativiste de gauche" à une "idéologie de droite" (absolutiste, ou habilement non déterminée ?), est peut-être maladroit, ou volontairement agressif.

 

Quoiqu'il en soit, classer une civilisation par rapport à une autre est une aberration comme de classer les élèves dans une même section. Chacun se situe toujours dans un cheminement, au sein d'un groupe lui-même en perpétuelle évolution. Chaque cité, chaque région, chaque nation évolue dans un incessant changement. Classer des cailloux, des timbres, tout objet, c'est classer de l'inerte. On ne classe ni les hommes, ni les civilisations qui sont par essence vivantes, changeantes, en continuelle transformation.

 

Coutumes, langues, modes vestimentaires, sont des éléments qui se transforment quotidiennement; les civilisations évoluent sans cesse. L'histoire montre que certaines civilisations évoluèrent plus vite dans tel domaine que d'autres qui leur étaient contemporaines. Ce fut le cas des peuples descendant d'Abraham et se répandant sur le Croissant fertile entre Tigre et Euphrate, puis entre Nil et Jourdain. La Grèce du V° siècle av JC. connut de grandes heures jusqu'à l'époque de Constantin. Puis ce fut le tour de la Rome antique. La Perse connut en un temps des lustres de gloire. La Chine vécut des époques grandioses. La civilisation arabe éblouit notre triste Moyen Age et se propagea territorialement jusqu'en Espagne. Il y eut en Europe la Renaissance italienne, en France le siècle de Louis XIV et les temps de la Révolution avec ses avancées et ses ruisseaux de sang. Il y eut au XIX° la montée de l'industrialisation en Occident, au XX° les révolutions technologiques. Le XXI° consacre la mondialisation des moyens d'informations et de communications, tandis que des millions d'humains sont sous alimentés...

 

Il reste que toute vie sociale demeure liée à un ensemble de traditions, de coutumes, de langues, qui fondent une culture, témoin d'une histoire, mémoire d'un passé. Il n'y a pas une civilisation supérieure ou inférieure à une autre. Il y a des groupes humains dont l'évolution n'en est pas au même niveau, attachés à des coutumes différentes mais qui n'ont pas à être classées. Ce qu'on veut référencer comme "Civilisation" est un instantané, une image datée. Or, semblable à toute créature vivante qui connaît enfance, adolescence, jeunesse, âge adulte, âge mur, vieillesse et mort, toute culture se situe en progrès ou en déclin.

 

La réalité de toute vie, c'est celle d'une perpétuelle évolution, de la naissance à la mort. Tout être humain, dès qu'il se déplace, devient un étranger. D'où qu'il vienne, quelles que soient ses origines, sa culture, il doit être respecté et ne peut être traité autrement que les autochtones du pays où il s'est déplacé. Si sa religion et ses coutumes sont respectables, il se doit néanmoins de faire l'effort d'adaptation indispensable à son nouvel ancrage territorial. S'il ne le veut pas ou ne le peut pas, c'est librement qu'il doit en tirer la logique conclusion: repartir librement dans sa sphère culturelle d'origine. Quand on en sera là, il n'y aura plus aucun problème!

 

L'incident de séance à la Chambre des Députés après l'intervention du Député socialiste de Guadeloupe - comparant l'emploi erroné d'un mot à la Shoa est sans doute disproportionné - mais révèle la sensibilité exacerbée de tout être humain lorsqu'il se sent discriminé! Les hommes politiques ne devraient-ils pas, par respect, s'interdire tout mot qui, ils ne peuvent l'ignorer, provoqueront ou blesseront? Du provocateur conscient qui s'indigne de la vive réaction de celui qui s'est senti visé, ou de ce dernier qui blessé réagit vivement et maladroitement, quel est le vrai responsable? Ce machiavélisme, chaque citoyen doit en être conscient et il a le devoir de juger selon sa conscience.

 

Jean Bisson - 09 02 2012

 

1- Nous : la droite, par opposition à la gauche...

 

2- in André Maurois "Un art de vivre", page 136.

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