12 février 2009 4 12 /02 /février /2009 10:55

L’Église de Dieu qui est à Gaza aux Saints bien-aimés de Palestine et du monde.
La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du St-Esprit soient avec vous tous!   

De la vallée de larmes, de Gaza qui baigne dans son sang, le sang qui a étouffé la joie dans les cœurs d’un million et demi d’habitants, je vous adresse ce message de foi et d’espoir. Mais le message d’amour est prisonnier ; bloqué dans nos gorges en tant que chrétiens ; nous ne nous hasardons même pas à nous le dire à nous-mêmes. Les prêtres de l’Église aujourd’hui brandissent l’espoir comme une bannière, afin que Dieu ait pitié de nous, qu’il ait pour nous de la compassion et qu’il Se garde un reste à Gaza afin que la lumière du Christ qui fût allumée par le diacre Philippe lors de l’établissement de l’Église ne s’éteigne pas et continue à briller à Gaza. Puisse la compassion du  Christ ranimer notre amour pour Dieu, même s’il est actuellement en “soins intensifs”.

Je vous annonce du fond de mon cœur de père et de prêtre, la mort de la fille de notre école de la Sainte Famille, la chère Christine Wadi al-Turk, la première victime chrétienne à trouver la mort dans cette guerre. Christine était en dixième année dans notre école et elle est morte ce matin du vendredi 2 janvier 2009 de peur et de froid. Les fenêtres de sa maison étaient ouvertes pour protéger les enfants des éclats de verre et des missiles qui passent au-dessus. Le bombardement qui a frappé la maison de son voisin l’a faite frémir d’horreur de tout son corps. Tout cela lui était insupportable, elle est donc allée se plaindre de sa situation à son créateur pour lui demander une maison et un refuge où il n’y a ni pleurs, ni cris ou gémissements mais joie et bonheur.

Nos frères et sœurs en Christ Jésus,

Ce que vous voyez à la télévision et ce que vous entendez ne rend pas totalement compte de la dure réalité vécue par notre peuple à Gaza. La télévision et la radio sont impuissantes à rendre compte de toute la vérité du fait de son immensité sur notre terre. Le siège cruel de Gaza s’est mué en un ouragan qui croit d’heure en heure et est devenu un crime de guerre, un crime contre l’humanité. Si les gens de Gaza sont actuellement en train de soumettre leur tragédie au jugement de la conscience de chaque être humain “de bonne volonté”, le temps à venir est le temps du juste jugement de Dieu.

Les enfants de Gaza et leurs parents dorment dans les couloirs de leurs maisons, quand il y en a, ou dans les toilettes et les salles de bains pour se protéger. Ils tremblent de peur à chaque bruit de voix, chaque mouvement et bombardement, aux pilonnages  violents des avions F-16.

Il est vrai que ces avions au cours de la plupart de leurs vols jusqu’à présent, ont pris pour cibles les sièges du gouvernement et du Hamas, mais tous ces sièges sont voisins des maisons des gens et n’en sont pas éloignés de plus de 6 mètres, ce qui est la distance légale entre immeubles. En conséquence les maisons d’habitation ont été sérieusement endommagées, entraînant la mort de beaucoup d’enfants. Nos enfants vivent dans un climat de peur traumatisant. C’est une cause de maladie qui s’ajoute à d’autres causes comme le manque de nourriture, la malnutrition, la pauvreté et le froid…

Quant aux tragédies qui se produisent dans les hôpitaux, vous pouvez dire ce que vous voulez. Ces hôpitaux ne disposaient pas des moyens de base pour les premiers soins avant la guerre et maintenant ce sont des milliers de blessés et de malades qui affluent dans les hôpitaux et l’on y opère dans les couloirs. Beaucoup d’entre eux sont transférés en Égypte par le passage de Rafah, le retour de ceux qui meurent en route n’est pas possible et la situation des gens dans les hôpitaux est épouvantable et déplorable, insupportable.

Je voudrais vous raconter l’histoire qui est arrivée à la famille Abdel Latif à l’hôpital. L’un de ses fils avait disparu au cours du premier bombardement et sa famille le recherchait, sans arriver à le trouver au cours du premier et du deuxième jour de la guerre. Le troisième jour, comme la famille arrivait à pied à l’hôpital, elle est tombée sur la famille Jaradah qui entourait un de ses fils blessé et qui était défiguré. Ce jeune homme blessé s’était fait amputer d’une jambe, il était défiguré non pas à cause d’un bombardement aérien, mais parce que des débris de verre lui étaient tombés dessus pendant son séjour à l’hôpital après un bombardement partiel. La famille Abdel Latif s’approcha de la famille Jaradah pour la consoler et lorsqu’il s’est approché du blessé, monsieur Abdel Latif  s’est aperçu que c’était son fils et non le fils de la famille Jaradah. Devant la contestation de la famille, ils ont attendu que le blessé se réveille et puisse dire son nom pour que la famille Abdel Latif puisse l’emmener…

Je termine la lettre que je vous adresse en présentant notre souffrance à Dieu et aussi à vous. Nos gens à Gaza sont traités comme des animaux dans un zoo, ils mangent mais ont encore faim, ils pleurent mais personne n’essuie leurs larmes. Il n’y a ni eau, ni électricité, ni nourriture, mais la peur, la terreur et les barrages… Hier, la boulangerie a refusé de me donner du pain. La raison donnée par le boulanger : il refusait de me nourrir avec de la farine qui n’est pas digne d’êtres humains et de manquer ainsi de respect à ma dignité de prêtre. La bonne farine était épuisée et la farine qui lui restait était impropre à la consommation humaine. J’ai fait le vœu de ne pas manger de pain pendant la durée de cette guerre. 

Nous désirons que vous éleviez constamment des prières vers Dieu et que vous ne célébriez aucune messe, aucun service sans vous souvenir des souffrances de Gaza en présence de Dieu. J’envoie de brefs messages tirés de la Bible à nos paroissiens pour augmenter l’espoir dans leurs cœurs. Nous sommes convenus de prier cette prière au début de chaque heure : « O Seigneur de la paix répand la paix sur nous ; O Seigneur de la paix, accorde la paix à notre terre. Aie pitié, Seigneur, de ton peuple et ne nous tiens pas pour toujours éloignés de toi. » Nous vous prions de vous tenir à nos côtés pour chanter cette prière avec nous.

Vos prières en union avec nous émeuvent le monde entier et lui enseignent que tout amour que l’on empêche d’atteindre vos frères et vos soeurs de Gaza n’est pas l’amour du Christ et de l’Église. L’amour du Christ et de l’Église ne connaît pas les barrières politiques ni les barrières sociales, ni les guerres, etc. Lorsque votre amour nous atteint, il nous permet de sentir que nous, à Gaza, faisons entièrement partie de la Sainte Église Catholique et Apostolique, et nos frères et sœurs musulmans au milieu de nous sont notre peuple et partagent notre destinée. Nous avons ce qu’ils ont et nous souffrons comme ils souffrent, nous sommes tous le peuple de Palestine. 

Au milieu de tout cela, notre peuple à Gaza continue à rejeter la guerre comme moyen d’obtenir la paix ; il continue à affirmer que le chemin vers la paix est la paix. Nous autres à Gaza sommes déterminés et portons la résolution dans nos yeux : “entre l’esclavage et la mort, nous n’avons pas le choix.” Nous voulons vivre pour louer le Seigneur en Palestine  et témoigner pour le Christ, nous voulons vivre pour la Palestine, non pas mourir pour elle, mais si la mort nous est imposée, nous ne mourrons pas autrement qu’honnêtes, braves et forts.

Nous nous joignons à vous dans la prière afin que le Christ puisse nous donner sa vraie paix.  Alors “le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera à côté du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble ; et un petit enfant les conduira.” (Isaïe 11, 6)

La paix du Christ, cette paix à laquelle vous êtes appelés pour ne faire qu’un seul corps, soit avec vous tous et vous protège. Amen

 Votre frère - Père Manuel Mussallam - Prêtre de l’Église Catholique à Gaza

 

 

 

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